Le visage illuminé par un espoir nouveau, Jacques, 22 ans, serre fermement sa machine à coudre flambant neuve. Comme lui, 81 autres jeunes considérés « à risque » viennent de recevoir à Mambasa des kits de réinsertion socio-économique, point d’orgue d’une formation de quatre mois intensifs. « Avant, je traînais au marché sans avenir. Aujourd’hui, je vais ouvrir mon atelier de couture », confie-t-il, la voix nouée d’émotion. Cette scène poignante, survenue le 9 juillet, symbolise le combat contre la précarité des jeunes en Ituri, une province meurtrie par des décennies de conflits.
Coiffure mixte, pâtisserie, décoration événementielle et coupe-couture : les filières choisies répondent aux besoins réels du tissu économique local. Portée par l’ONG catholique irlandaise Trocaire en partenariat avec Caritas Développement Congo, cette opération va bien au-delà d’un simple don matériel. « L’objectif est de rendre ces jeunes utiles à eux-mêmes et à leur communauté », explique un coordinateur sur place. Comment ? En transformant des vies marginalisées en forces productives grâce à l’acquisition de compétences tangibles et d’outils concrets pour générer des revenus durables.
Cette initiative s’inscrit dans un programme plus vaste de résilience communautaire. À preuve, 65 autres jeunes vulnérables ont bénéficié d’une formation similaire à Kasenyi, localité située à 55 km au sud de Bunia. La stratégie est claire : toucher les zones où le désœuvrement juvénile alimente les cycles de violence. Mais suffira-t-il de kits socio-économiques à Mambasa pour enrayer la spirale infernale ? Si les machines à coudre et les ustensiles de pâtisserie sont essentiels, les défis restent immenses dans une région où 70% des moins de 25 ans sont sans emploi selon les dernières études.
L’autonomisation des jeunes à risque passe par un accompagnement sur la durée. « La remise des kits n’est qu’une étape », tempère un formateur. « Nous assurons un suivi technique et commercial pendant six mois pour garantir la pérennité des micro-entreprises. » Cette approche holistique illustre l’urgence de multiplier les projets de réinsertion jeunes en Ituri, où les groupes armés recrutent encore parmi les désœuvrés. Les formations professionnelles en RDC deviennent ainsi un rempart contre l’instabilité.
Derrière ces chiffres – 82 kits distribués ici, 65 là-bas – se cache une réalité sociale criante. Dans les quartiers périphériques de Mambasa, des centaines d’autres adolescents errent encore sans perspective. Le programme de Trocaire Congo, bien que salutaire, ne touche qu’une fraction des nécessiteux. « J’ai vu des camarades abandonner par manque de moyens pour venir aux cours », soupire Anifa, nouvelle coiffeuse. Son témoignage interpelle : l’accès à la formation reste un luxe dans ces territoires oubliés.
L’enjeu dépasse largement l’économie. Il s’agit de reconstruire un pacte social fissuré par les guerres successives. Quand un jeune reçoit une machine au lieu d’un fusil, c’est toute la communauté qui respire. Mais gare à l’effet vitrine : sans systèmes de crédit adaptés ni marchés stables, plusieurs bénéficiaires risquent de revendre leurs kits dans l’année. L’autonomisation promise par les ONG doit s’ancrer dans des politiques publiques structurantes. À quand un plan national pour la réinsertion des jeunes vulnérables ? L’Ituri, laboratoire d’espoirs fragiles, attend des réponses concrètes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net