32.5 C
Kinshasa
vendredi, juillet 11, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéCultureFloribert Bwana Chui : Le martyr de Goma béatifié, symbole éternel contre...

Floribert Bwana Chui : Le martyr de Goma béatifié, symbole éternel contre la corruption en RDC

Par une journée étouffante de juillet 2007, l’air chargé des cendres volcaniques du Nyiragongo, un jeune fonctionnaire de Goma signait son arrêt de mort en refusant un pot-de-vin. Dix-huit ans plus tard, sous les voûtes de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs à Rome, Floribert Bwana Chui entrait dans l’histoire comme le premier martyr africain béatifié pour avoir résisté à la corruption. Cette reconnaissance par l’Église catholique, intervenue le 15 juin 2025, dépasse le cadre religieux : elle sonne comme un réquisitoire contre la prédation systémique en République Démocratique du Congo et offre à la jeunesse congolaise un modèle d’intégrité taillé dans la lave des volcans du Kivu.

Qui était cet homme dont le sacrifice ébranle les consciences bien au-delà des frontières confessionnelles ? Né le 13 juin 1981, Floribert grandit dans cette Goma déchirée par les conflits mais vibrante d’une foi tenace. Diplômé en droit, il intègre l’Office Congolais de Contrôle (OCC), poste stratégique où beaucoup voient une opportunité d’enrichissement facile. Pourtant, ce jeune homme discret, membre actif de la Communauté de Sant’Egidio depuis 2001, puise dans sa spiritualité une force inébranlable. Ses soirées se partagent entre l’étude et les « Écoles de la Paix » où il éduque les « maibobo », ces enfants des rues abandonnés aux tourments de la guerre.

Le drame se noue en ce mois de juillet 2007, quand un convoi de riz avarié en provenance du Rwanda tente de franchir la frontière. Floribert, responsable du contrôle sanitaire, oppose son veto malgré les menaces. « Mieux vaut mourir que laisser entrer du poison pour nos frères », aurait-il confié à son cousin, conscient du danger. Le 7 juillet, des hommes armés l’enlèvent près du marché de Virunga. Pendant deux jours, ses bourreaux tentent de briser sa résolution par la torture avant de l’abattre froidement. Son corps portait les stigmates d’une barbarie méthodique : doigts brisés, brûlures de cigarette, impact de balle à la nuque. Un assassinat commandité pour protéger des intérêts économiques obscurs.

La béatification de juin 2025, présidée par le cardinal Semeraro, couronne un long chemin de reconnaissance initié par Sant’Egidio. En proclamant Floribert « martyr en haine de la foi », Rome opère une révolution théologique : la corruption est désormais identifiée comme un mal absolu s’opposant radicalement aux valeurs chrétiennes. Comme l’a souligné le pape Léon XIV, « son refus du culte de l’argent fut l’ultime témoignage de sa foi ». Cette décision résonne comme un coup de tonnerre dans un pays où, selon Transparency International, 86% des citoyens considèrent la corruption comme endémique.

Goma, épicentre de ce drame, vit cette béatification comme une rédemption collective. Mgr Willy Ngumbi, évêque du diocèse, parle d’un « patrimoine mondial d’intégrité ». Dans les rues où Floribert marchait jadis, des graffitis représentent désormais son visage barré du slogan « Non à la magouille ». Sa mère, Gertrude Kamara, voix tremblante d’émotion, confie : « Mon fils n’est pas mort pour rien. Son sang purifie notre terre ». Le 8 juillet, date anniversaire de sa mort, devient officiellement « Journée de l’intégrité » en RDC, transformant une tragédie personnelle en rituel civique.

Pour la jeunesse congolaise, cette reconnaissance agit comme un électrochoc. Dans un pays où 48% des moins de 25 ans sont au chômage, la tentation de la facilité corrode les consciences. Floribert, lui, prouve qu’on peut dire non aux réseaux mafieux sans être un héros surhumain. « Il portait des jeans délavés, adorait la rumba et rêvait de fonder une famille », rappelle le père Arsène, son mentor spirituel. Cette humanité le rend accessible, lui qui aurait pu choisir le silence comme tant d’autres fonctionnaires. Son histoire, désormais enseignée dans les écoles, offre un contre-récit puissant à la culture de la débrouille.

Comment expliquer que ce geste isolé acquière une telle portée universelle ? Peut-être parce qu’il incarne la quintessence d’un combat où s’affrontent deux conceptions du monde. D’un côté, les logiques prédateures qui traitent les frontières comme des zones de non-droit. De l’autre, cette « théologie de la résistance » chère au cardinal Ambongo, où la probité devient acte de foi. La béatification transforme un drame local en symbole global : à Nairobi comme à Bogotá, des mouvements citoyens brandissent désormais l’effigie de ce Congolais ordinaire devenu extraordinaire.

Dans les couloirs du pouvoir à Kinshasa, l’onde de choc est palpable. En sanctifiant un fonctionnaire tué pour avoir fait son travail, l’Église place les dirigeants face à leurs contradictions. Le silence gêné des autorités contraste avec l’enthousiasme populaire. Pourtant, comme le note le jésuite Stanislas Kambashi, « Floribert n’accuse personne, il propose une alternative ». Son héritage pourrait inspirer une nouvelle génération de serviteurs publics, ces « saints en costume-cravate » dont rêvait le pape François lors de sa visite en 2023.

Alors que le Kivu replonge dans les violences, la figure de Floribert Bwana Chui irradie d’une lumière singulière. Loin d’être une icône passive, ce martyr invite à l’action. Chaque fois qu’un douanier refuse un bakchich, qu’un juge résiste aux pressions, qu’un médecin soigne sans exiger de paiement, son esprit revit. Comme le murmurent désormais les jeunes de Goma : « La corruption tue, l’intégrité sanctifie ». Dans cette phrase simple réside toute la puissance subversive d’un homme qui choisit de mourir debout plutôt que de vivre à genoux.

Article Ecrit par Yvan Ilunga

Commenter
Yvan Ilunga
Yvan Ilunga
Né à Lubumbashi, Yvan Ilunga est un passionné de la richesse culturelle du Congo. Expert en éducation et en musique, il vous plonge au cœur des événements culturels tout en mettant en lumière les initiatives éducatives à travers le pays. Il explore aussi la scène musicale avec une analyse fine des tendances artistiques congolaises, faisant d’Yvan une véritable référence en matière de culture.
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Actualité Populaire Liée

Actualité Populaire RDC

Résumé de l'actualité quotidienne

Le Brief du Jour du 09 Juillet 2025

Partenariats énergétiques géants, verdicts historiques contre les violences, retour massif de réfugiés en Ituri, crise logistique à Beni, avancée sanitaire à Matadi, accords de transformation minière avec les Émirats, appel à un dialogue politique inclusif : retrouvez le condensé de l’actualité du 9 juillet 2025 en RDC.

Derniers Appels D'offres

Derniers Guides Pratiques