Le cri déchirant de Bayomba Mishiki Bam’s résonne dans les collines du Nord-Kivu : « Trois enfants sont déjà décédés : un à Walikale centre, un autre à Ngoa, et un troisième à Pito ». Cette révélation glaçante du coordonnateur du Groupe d’Actions pour la Protection de l’Enfance (GAPE) illustre l’urgence de la campagne « Zéro enfant dans les sites et carrés miniers » lancée en juillet dans ce territoire minier. Combien de petits corps devront encore être sortis des galeries avant que cette hémorragie ne cesse ?
Pourtant, l’initiative porte déjà ses premiers fruits : 54 enfants, dont 24 filles, ont été arrachés aux griffes de l’exploitation minière artisanale. Mais ce chiffre reste un goutte d’eau dans l’océan de misère qui engloutit les enfants de Walikale. Le coordonnateur du GAPE, la voix nouée d’émotion, dénonce une double tragédie : des garçons condamnés au creusage, au tri et au lavage des minerais dans des conditions inhumaines, tandis que des filles mineures sont « livrées à la débauche » autour des sites. Jusqu’où ira cette marchandisation de l’enfance ?
La période des vacances scolaires fait redouter le pire au GAPE Walikale. « Des enfants se préparent à rejoindre ces sites pour transporter de l’eau, vendre du tabac ou des boissons alcoolisées, au lieu d’être à l’école ou en famille », alerte Bam’s. Ces sites miniers, véritables pièges mortels, exposent les enfants à des effondrements de galeries, à l’intoxication aux produits chimiques et aux violences sexuelles. Comment accepter que des gamins de dix ans respirent quotidiennement des poussières toxiques pour quelques poignées de minerais ?
Face à cette urgence de protection enfance au Nord-Kivu, le GAPE tire la sonnette d’alarme. L’organisation exige des autorités politico-administratives la sécurisation immédiate des 36 sites miniers recensés à Walikale. « La place des enfants, ce n’est pas dans les sites miniers, mais à l’école et dans la famille », rappelle le coordonnateur avec une insistance désespérée. Un appel pressant est également lancé aux organisations humanitaires pour soutenir la réinsertion scolaire et sociale de ces victimes invisibles de l’exploitation minière.
La campagne « Zéro enfant » se heurte pourtant à un mur de réalité économique. Dans ces zones rurales du Nord-Kivu, la misère pousse des familles entières à envoyer leurs enfants dans ces enfers miniers. « Il y a beaucoup de risques, vraiment », reconnaît Bam’s, mais comment convaincre des parents affamés quand l’école est inaccessible et la mine représente le seul repas quotidien ? Cette réalité souligne l’impérieuse nécessité d’une approche globale combinant contrôle des sites miniers, alternatives économiques et scolarisation obligatoire.
L’urgence est vitale : chaque jour perdu signifie de nouveaux enfants sacrifiés sur l’autel de la cupidité minière. La protection de l’enfance à Walikale nécessite plus que des déclarations d’intention – elle exige des barrières physiques autour des mines, des patrouilles de surveillance et des sanctions exemplaires contre les exploitants employant des mineurs. Car derrière les statistiques se cachent des destins brisés : celui de ces trois enfants enterrés dans l’indifférence, et de ces filles transformées en marchandise sexuelle. Leur martyre silencieux crie vengeance aux consciences endormies.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net