Les villes de Beni et Butembo, poumon économique du Nord-Kivu, subissent depuis le 3 juillet une pénurie carburant Nord-Kivu aux conséquences économiques dévastatrices. À l’origine de cette crise, un litige opposant les opérateurs pétroliers à la Direction générale des douanes et accises (DGDA) concernant une restructuration des droits de douane sur les hydrocarbures, passés brutalement de 5 000 à 11 000 USD par déclaration. Cette dispute douane DGDA RDC cristallise les tensions dans une région déjà fragilisée.
Le bras de fer a conduit au blocage d’environ 60 camions citernes bloqués Butembo à l’entrée de Beni, créant une rupture d’approvisionnement immédiate. Conséquence directe : une flambée historique des prix. Le litre d’essence, précédemment à 3 400 FC (1,21 USD), oscille désormais entre 5 000 et 6 000 FC (2,14 USD) chez les revendeurs informels, communément appelés Kadafi. Cette hausse prix essence Beni de près de 75% illustre la vulnérabilité des circuits parallèles face aux chocs réglementaires.
L’effet domino sur l’économie locale est implacable. Le coût des transports a triplé en quelques jours : une course en moto-taxi, autrefois facturée 1 000 FC (0,35 USD), atteint désormais 3 000 FC (1,07 USD). Cet impact transport Kadafi se répercute sur toute la chaîne de valeur, des denrées alimentaires aux services urbains, créant une inflation en cascade qui étrangle le pouvoir d’achat des ménages. Les opérateurs économiques, en suspendant volontairement leurs importations depuis une semaine, instrumentalisent cette pénurie comme levier de négociation face à l’administration douanière.
Eugène Kakule Matembela, président de l’Association Congolaise des Commissionnaires Agréés en Douane (ACCAD), défend la position inflexible de la DGDA : « La structure des prix n’est pas négociable. C’est la norme réglementaire que tous doivent appliquer via le système SYDONIA ». Pour lui, l’automatisation des procédures douanières vise précisément à éliminer les arrangements opaques, même si la transition s’avère douloureuse pour des importateurs habitués à des marges de manœuvre.
Pourtant, les opérateurs pétroliers dénoncent un diktat économique inapplicable. Comment absorber un doublement soudain des coûts administratifs dans un marché aux marges déjà compressées ? Cette question cruciale reste sans réponse, tandis que les stocks s’amenuisent et que les files d’attente s’allongent devant les stations-service. La paralysie progressive du transport de marchandises menace désormais l’approvisionnement en produits de première nécessité.
À l’horizon, deux scénarios se dessinent : soit une médiation gouvernementale urgente pour réviser le calendrier d’application de la réforme douanière, soit l’effondrement à court terme des activités économiques formelles au profit du marché noir. Les Kadafi, véritables gagnants de cette crise, voient déjà leurs profits gonfler tandis que l’économie légale suffoque. Cette situation illustre cruellement les limites des réformes technocratiques imposées sans phase d’adaptation dans des contextes régionaux complexes.
Alors que les prix continuent leur ascension vertigineuse – oscillant désormais entre 3 500 et 6 000 FC le litre selon les circuits de distribution -, la solution réside peut-être dans un compromis historique. Une indexation progressive des nouveaux droits de douane couplée à des mécanismes de contrôle renforcés pourrait apaiser les tensions. Sans accord rapide, c’est toute la stabilité socio-économique du Nord-Kivu qui pourrait partir en fumée, aussi volatile que l’essence vendue au bord des routes.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd