La libération imminente du colonel Daniel Mukalay, après l’expiration de sa peine de quinze années de réclusion pour l’assassinat de Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana, suscite de vives préoccupations parmi les organisations de défense des droits humains en République démocratique du Congo. Dans une déclaration conjointe rendue publique ce mercredi 9 juillet, la FIDH, l’OMCT, l’ASADHO, le Groupe Lotus et la Voix des Sans Voix ont dénoncé avec force le caractère incomplet de la justice rendue dans cette affaire emblématique qui continue d’ébranler les fondements de l’État de droit congolais.
Il est formellement relevé que certaines infractions connexes aux meurtres n’ont jamais fait l’objet de poursuites judiciaires, notamment la détention illégale d’armes par le colonel Mukalay au moment des faits. Un arsenal significatif avait été découvert dans son véhicule lors de l’interpellation en 2010, élément matériel dont l’origine avait été attribuée par l’intéressé lui-même au général John Numbi lors des auditions préliminaires. Aucune suite pénale ne fut cependant donnée à ces révélations accablantes, créant ainsi un déficit procédural qui entache durablement le processus judiciaire.
Les organisations signataires réclament en urgence l’ouverture d’un procès spécifique concernant cette détention illicite d’armes, conditionnant même la libération effective du colonel à l’examen préalable de cette responsabilité pénale distincte. Cette exigence procédurale s’accompagne de mises en garde sévères quant aux risques de représailles contre les victimes, témoins, avocats et défenseurs des droits humains associés au dossier. Une protection accrue des personnes vulnérables et la destitution immédiate de Daniel Mukalay des forces de police nationale sont réclamées aux autorités congolaises.
La problématique centrale réside dans l’impératif de disjonction des poursuites, permettant le jugement sans délai des coaccusés actuellement détenus, indépendamment de la situation du général John Numbi. Ce dernier, visé par un mandat d’arrêt international émis en mars 2021, demeure en exil tandis que la tenue de son procès est continuellement reportée. Une justice peut-elle être considérée comme rendue lorsque les chaînes de responsabilité restent partiellement instruites ?
Dans leur argumentaire final, les ONG soulignent avec une insistance particulière que l’absence de jugement de tous les responsables pour la totalité des crimes commis invalide toute prétention à une justice complète en RDC. Sans exhaustivité des procédures, ni vérité judiciaire, ni protection effective des parties prenantes ne sauraient être garanties dans le dossier Chebeya-Bazana. La libération prochaine du colonel Mukalay, bien que légale au regard de la peine purgée, s’annonce ainsi comme un épisode supplémentaire d’une justice tronquée, laissant persister l’ombre du général Numbi sur cette affaire emblématique des dysfonctionnements du système judiciaire congolais.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd