Dans le Nord-Kivu en proie à l’insécurité, un forum crucial sur la gouvernance minière s’est ouvert ce mercredi à Beni. Face aux représentants de l’administration publique et aux acteurs locaux, le gouverneur militaire Evariste Somo a dressé un constat accablant : fraude généralisée, absence de traçabilité et contrebande organisée privent l’État de précieuses ressources. « Le secteur minier est porteur d’espoir, mais reste l’un des plus problématiques », a-t-il déclaré, pointant du doigt l’exploitation artisanale envahie par des milices et des étrangers non identifiés.
L’urgence se concentre sur le bassin aurifère du Grand-Nord, où des localités comme Manguredjipa, Bandulu ou Bunyatenge voient leur or échapper à tout contrôle. Comment expliquer que des tonnes de minerais disparaissent annuellement des radars étatiques ? Le gouverneur identifie des failles systémiques : non-application des normes de l’OCDE, flux financiers illicites et carence d’unités de transformation locale. Un manque à gagner fiscal qui mine les recettes publiques dans une région partiellement contrôlée par la rébellion du M23.
La tenue de ce forum coïncide avec la publication d’un rapport explosif du groupe d’experts de l’ONU. Celui-ci documente un trafic structuré de l’or vers l’Ouganda, impliquant négociants de Butembo et réseaux financiers opaques. « Des microfinances à Bunia préfinancent des coopératives d’orpaillage, les obligeant à revendre leur production à des comptoirs contrôlés », détaille le document. Un système qualifié de « blanchiment d’argent commercial » permettant des transferts transfrontaliers indétectables.
L’écosystème parasitaire décrit par l’ONu montre l’ampleur du défi : Edmond Kasereka, partenaire clé, détiendrait des parts dans la microfinance T.I.D et le comptoir officiel MNM de Bunia. Cette porosité entre circuits légaux et illicites explique pourquoi l’or du Nord-Kivu alimente l’industrie ougandaise plutôt que l’économie congolaise. Face à cette hémorragie, le gouverneur Somo lance un appel sans équivoque : « Quel est notre véritable potentiel minier ? Que voulons-nous faire de nos ressources ? ».
Les participants au forum de Beni devront proposer d’ici vendredi des réformes institutionnelles concrètes. Parmi les pistes attendues : rationalisation de la production artisanale, mécanismes de transparence renforcée et clarification des rôles dans la chaîne minière. Un exercice périlleux tant le décalage entre cadre légal et réalité terrain semble abyssal. La crédibilité internationale de la RDC, déjà écornée, se joue aussi dans ces assises. À l’horizon 2025, le pays pourra-t-il enfin maîtriser sa richesse aurifère ou restera-t-il un géant aux pieds d’argile ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd