Dans un geste révélateur des tensions sous-jacentes de la diplomatie congolaise, la Première ministre Judith Suminwa a imposé depuis le 4 juillet un strict dispositif de communication concernant les négociations de Doha avec l’AFC/M23 et l’accord de Washington liant la RDC au Rwanda. Seules la ministre des Affaires étrangères, le porte-parole du Gouvernement et la Cellule de communication présidentielle sont désormais habilitées à s’exprimer sur ces dossiers qualifiés de « sensibles ». Une décision qui, sous couvert de cohérence institutionnelle, interroge sur la gestion des équilibres politiques en période de crise.
Le processus paix Doha RDC, censé apaiser les conflits dans l’Est du pays, et l’accord Washington RDC Rwanda, négocié sous médiation américaine, constituent les deux piliers de la stratégie internationale de Kinshasa. Pourtant, cette centralisation inédite de la parole gouvernementale trahit-elle une fragilité dans la position congolaise ? La multiplicité des voix officielles aurait-elle créé des failles exploitables par les partenaires-adversaires ? Autant de questions que la mesure de Suminwa soulève implicitement.
Dans les couloirs du Palais de la Nation, on justifie cette restriction par la nécessité d’une « communication institutionnelle cohérente, responsable et maîtrisée ». Le contexte est effectivement miné : les récentes avancées à Doha restent précaires tandis que l’accord avec Kigali suscite autant d’espoirs que de méfiance. Judith Suminwa décision apparaît ainsi comme un calcul visant à éviter les déclarations intempestives qui pourraient compromettre des équilibres diplomatiques patiemment construits.
Cette mise sous tutelle de la parole publique n’est pas sans rappeler les errements passés où des divisions gouvernementales transparaissaient au grand jour. En confiant exclusivement ces sujets brûlants aux trois piliers de la communication d’État, la cheffe du gouvernement joue un rôle de chef d’orchestre autant qu’elle prend un risque politique. Car si l’unité de ton renforce la crédibilité internationale, elle pourrait aussi être perçue comme une muselière imposée aux autres ministres, alimentant les rumeurs de divisions internes.
La diplomatie RDC se trouve ainsi à un tournant décisif. Alors que les négociations avec le M23 entrent dans une phase critique et que la mise en œuvre de l’accord avec le Rwanda requiert une vigilance extrême, chaque communiqué devient un instrument stratégique. Le verrouillage de l’information sert-il réellement l’intérêt national ou révèle-t-il une difficulté à gérer les dissensions au sein de l’exécutif ? L’efficacité de cette nouvelle ligne rouge communicationnelle se mesurera à l’aune des prochaines semaines.
Derrière cette apparente rationalisation se cache un pari à haut risque pour Judith Suminwa. En personnalisant ainsi le contrôle sur ces dossiers, elle engage sa propre crédibilité. Un faux pas dans la gestion de ces processus paix Doha RDC ou dans le suivi de l’accord Washington RDC Rwanda pourrait se retourner contre son autorité naissante. La centralisation, si elle offre un discours maîtrisé, transforme également le premier ministre en unique point de faille potentiel.
À l’heure où la communauté internationale observe avec attention l’évolution de ces négociations, la communication gouvernementale RDC devient un théâtre d’opérations parallèle aux pourparlers eux-mêmes. La mesure prise par la Première ministre illustre cette évolution : dans la diplomatie moderne, les mots sont des armes et leur usage doit être aussi réglementé que celui des armes conventionnelles. Reste à savoir si ce contrôle renforcé saura préserver la nécessaire transparence attendue par une opinion publique congolaise en quête de paix durable.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net