À Aru, dans le nord de l’Ituri, la nouvelle a frappé comme un coup de massue : le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) plie bagage. « Sans leur bureau ici, qui nous entendra quand les milices reviendront ? », s’interroge Bahati, déplacée de 37 ans, dans un camp où s’entassent 15 000 âmes. Cette localité stratégique, à 280 km de Bunia, perd son principal relais humanitaire direct dans une région minée par les conflits armés.
Lydie Navigué, cheffe de la sous-délégation du HCR, a officiellement notifié cette décision au gouverneur de l’Ituri ce vendredi 4 juillet. En cause ? Une restructuration drastique imposée par la crise de liquidités paralysant l’ONU. « Nous n’avons plus le choix », confie-t-elle, soulignant l’impact de cette crise financière sans précédent sur les opérations en RDC. Le bureau d’Aru sera désormais rattaché à ceux de Bunia et Faradje, distants de plusieurs heures de route sur des pistes souvent impraticables.
Comment une telle restructuration affectera-t-elle les 40 000 réfugiés sud-soudanais et déplacés congolais dépendant de l’aide vitale à Aru ? Le HCR se veut rassurant : l’assistance continuera via des « partenaires humanitaires » locaux comme COPIE pour la distribution alimentaire et MSF pour les soins médicaux. « Nous maintiendrons notre présence à distance et par missions ponctuelles », précise Navigué. Mais sur le terrain, les doutes persistent. Un travailleur humanitaire sous couvert d’anonymat s’alarme : « Sans coordination locale, les retards dans les distributions de kits d’urgence pourraient coûter des vies pendant la saison des pluies ».
Cette fermeture s’inscrit dans un contexte plus large de contraction des financements internationaux. L’an dernier, l’appel de fonds du HCR pour la RDC était couvert à peine à 40%. Pourtant, l’Ituri compte encore 1,7 million de déplacés selon OCHA. La restructuration du HCR en RDC révèle une vérité crue : les bailleurs se détournent des crises prolongées, même quand les besoins explosent. Les autorités provinciales, bien que remerciées par le HCR pour leur « soutien », redoutent l’engorgement des structures de Bunia déjà débordées.
Les questions fusent parmi les bénéficiaires : les transferts monétaires arriveront-ils à temps sans bureau local ? Qui recensera les nouveaux déplacés fuyant les récentes attaques dans le Djugu ? Cette crise financière ONU transforme l’aide en assistance fantôme – présente sur le papier, mais évanescente sur le terrain. Alors que les partenaires humanitaires à Aru héritent d’une charge écrasante, la communauté internationale semble oublier que derrière chaque « restructuration », il y a des familles condamnées à choisir entre la faim et le retour périlleux dans des villages encore minés par la violence.
La fermeture du bureau d’Aru sonne comme un avertissement : l’Ituri pourrait n’être que la première étape d’un désengagement en cascade. Dans l’immédiat, des vies reposent sur la résilience d’ONG locales sous-financées. À quand une prise de conscience des donateurs ? Pour des milliers de réfugiés, l’attente ressemble déjà à une condamnation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net