Dans les territoires reculés du Nord-Kivu, une lueur d’espoir s’était allumée pour les enseignants lorsque la Caritas a initié des paiements via mobile money il y a quinze jours. Pourtant, cette avancée technique cache une amère réalité : des salaires toujours en souffrance et une frustration grandissante chez ces éducateurs de l’ombre. À Masisi particulièrement, où les écoles peinent à fonctionner normalement, le soulagement attendu s’est transformé en désillusion.
Comment expliquer cette colère sourde ? Prenons l’exemple de Joséphine, institutrice à Kitchanga : « On nous promet six mois d’arriérés salaires, mais mon téléphone n’a vibré que pour un seul virement. Comment nourrir ma famille avec ça ? » Son témoignage reflète une situation systémique où les transactions partielles deviennent la norme plutôt que l’exception. La Caritas, désignée comme agent payeur par les autorités, se heurte à des limites opérationnelles que personne n’avait anticipées.
Le problème dépasse les simples retards de paiement. Dans ces zones où la connexion réseau relève du parcours du combattant, près de 60% des enseignants Nord-Kivu ne peuvent même pas accéder à leurs fonds. « Beaucoup n’ont jamais manipulé de portefeuille électronique », soupire un responsable scolaire de Rutshuru. Cette fracture numérique aggrave une crise déjà latente, laissant des éducateurs démunis face à des classes surchargées.
Au cœur des tensions : l’accumulation d’arriérés qui plombe le moral des salles de professeurs. Certains établissements de Nyiragongo affichent des absences record depuis le début du mois. « Peut-on vraiment blâmer un maître qui choisit entre chercher sa pitance et faire cours ? » interroge amèrement un directeur d’école. Les conséquences sur l’éducation Masisi sont palpables, avec un taux d’abandon scolaire en hausse de 30% selon des observateurs locaux.
Face à cette impasse, les syndicats enseignants brandissent maintenant l’ultime recours : une médiation gouvernement directe. « Le système actuel est un pansement sur une jambe de bois », tonne le représentant d’une association pédagogique à Goma. Ils réclament un audit transparent des fonds alloués et un mécanisme de paiement inclusif, notamment pour les zones rurales de Walikale où le mobile money reste une chimère.
La balle est désormais dans le camp des décideurs. Cette crise des arriérés salaires dépasse le simple contentieux financier : elle met en péril l’avenir éducatif d’une génération entière dans une province déjà meurtrie. Sans une réforme structurelle du système de rémunération, les tableaux noirs du Kivu risquent de rester désespérément vides.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net