Le sourire aux lèvres et les mains encore tachées de cambouis, Desange Munguromo contemple l’excavatrice qu’elle vient de manœuvrer avec une aisance déconcertante. « Cette formation m’a apporté beaucoup de choses. Elle était gratuite, et pourtant nous avons énormément appris », confie-t-elle, la voix empreinte d’une gratitude palpable. Comme elle, 31 autres jeunes de Bunia, dont quatre filles, viennent d’achever trois semaines d’une formation professionnelle en Ituri dispensée par le contingent bangladais de la MONUSCO, axée sur la conduite d’excavatrices en RDC.
Dans une région où les conflits intercommunautaires ont laissé des cicatrices profondes, ce programme dépasse la simple transmission de compétences techniques. Il s’agit d’une véritable stratégie d’autonomisation des jeunes à Bunia, conçue pour offrir des débouchés concrets sur un marché du travail asphyxié. « Je remercie la MONUSCO et le contingent bangladais pour cette opportunité qui va m’aider à devenir autonome », ajoute Desange, soulignant l’impact transformateur de cette initiative sur sa vie quotidienne.
Mais derrière ces engins de chantier rugissants se cache un objectif plus subtil : tisser des liens entre des communautés divisées. Les participants, issus de groupes ethniques différents, ont partagé bancs d’apprentissage et repas, créant ainsi des ponts invisibles au-dessus des fossés des préjugés. Un ingénieux mécanisme de cohésion sociale en Ituri par le travail partagé. « Quand on apprend ensemble à maîtriser une machine de plusieurs tonnes, les différences s’effacent devant la nécessité de collaborer », explique un formateur bangladais sous couvert d’anonymat.
Cette session s’inscrit dans un vaste programme de MONUSCO projets jeunesse déployé depuis janvier dans la province. Plusieurs centaines de jeunes ont déjà bénéficié de formations dans des secteurs vitaux : réparation de téléphones et d’ordinateurs, électricité, agriculture (notamment la culture de pastèques), et même apprentissage de l’anglais. Autant de compétences immédiatement monnayables sur le marché local, où la demande en main-d’œuvre qualifiée reste forte malgré l’insécurité persistante.
Pourtant, une question cruciale se pose : ces formations ponctuelles suffiront-elles à enrayer le chômage massif des jeunes dans une région où près de 65% des moins de 25 ans sont sans emploi ? Si les bénéficiaires saluent l’opportunité, certains observateurs pointent le besoin de structures d’accompagnement pérennes. « Sans accès au crédit pour acheter leur propre matériel ou création de chantiers publics, ces compétences risquent de rester sous-utilisées », s’inquiète un économiste local.
Malgré ces défis, l’approche holistique de la MONUSCO mérite d’être soulignée. En combinant insertion professionnelle et réconciliation communautaire, ces projets créent un terreau fertile pour la paix. Chaque jeune formé devient un ambassadeur silencieux de la cohabitation pacifique, son savoir-faire technique valant bien des discours. Dans les rues poussiéreuses de Bunia où résonnent encore les échos des conflits passés, le vrombissement des excavatrices pourrait bien annoncer l’aube d’une ère nouvelle.
Alors que le retrait de la MONUSCO se profile à l’horizon, ces initiatives laissent entrevoir un héritage tangible : des compétences transférées, des vies transformées, et surtout, l’espoir ténu que l’autonomisation des jeunes en Ituri puisse être la clé d’une stabilité durable. Reste à savoir si les autorités locales sauront prendre le relais pour faire de ces graines de changement une réalité pérenne.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net