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(DOSSIER) BRICS+ en Afrique : Mirage ou Opportunité Historique pour le Continent ?

L’élargissement des BRICS en BRICS+ avec l’inclusion de l’Égypte, de l’Éthiopie et des Émirats arabes unis en janvier 2024 marque un tournant stratégique pour les relations Afrique-économie émergente. Ce bloc, qui représente désormais 40% de la population mondiale et près de 30% du PIB global, pourrait-il constituer le levier tant attendu pour l’autonomisation économique africaine ? La réponse exige une analyse nuancée entre opportunités concrètes et écueils structurels.

Un partenariat économique aux multiples facettes

Les investissements BRICS en Afrique ont franchi le seuil symbolique des 500 milliards de dollars annuels selon la Banque africaine de développement. La Nouvelle Banque de Développement (NDB), fer de lance institutionnel du groupe, a octroyé en 2024 près de 1,2 milliard de dollars à l’Afrique du Sud pour moderniser son réseau ferroviaire et 200 millions à l’Égypte pour des projets d’énergie verte. Ces financements répondent à un besoin criant : le déficit infrastructurel africain estimé à 100 milliards de dollars par an. Mais au-delà des montants, c’est la diversification des échanges qui transforme la coopération économique Afrique-BRICS. Les transactions en monnaies locales représentent désormais 28% du commerce sud-africain avec le bloc, réduisant la vulnérabilité aux fluctuations du dollar. L’Éthiopie réalise 35% de ses exportations en yuan, une révolution silencieuse dans les échanges sud-sud.

Le volet géopolitique : vers un rééquilibrage des pouvoirs

L’entrée de trois nations africaines dans l’arène des BRICS+ constitue une avancée symbolique majeure dans la géopolitique africaine. Pour la première fois, le continent dispose d’une représentation directe dans un bloc capable de contrebalancer l’hégémonie occidentale au FMI ou à l’OMC. Cette inclusion permet de porter des revendications spécifiques comme la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU ou l’abandon des conditionnalités politiques attachées aux prêts. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Taye Atske Selassie, souligne que “cette plateforme donne une résonance inédite aux priorités africaines dans l’agenda mondial”. Pourtant, des ombres persistent : l’Afrique du Sud, seul membre fondateur africain, ne pèse que 3% dans les prises de décision du groupe, loin derrière la Chine (40%) ou l’Inde (25%). Cette asymétrie interroge sur la capacité réelle des nouvelles voix africaines à infléchir les orientations stratégiques.

Investissements ou piège de la dette ?

Les investissements BRICS en Afrique concentrent 75% de leurs flux dans les secteurs miniers et énergétiques, reproduisant des schémas extractivistes hérités de la colonisation. Le projet pétrolier de Mopane en Namibie, piloté par le brésilien Petrobras, ou les mines de cuivre zambiennes financées par Pékin illustrent cette tendance. Plus inquiétant encore : les clauses de secret entourant 70% des prêts chinois selon l’Institut d’études de sécurité africain. Certains contrats incluent des nantissements sur les ressources naturelles, créant des situations de dépendance stratégique. La dette continentale, qui frôle les 1 800 milliards de dollars, alimente les craintes d’un “colonialisme new-look” dénoncé par plusieurs ONG. Face à ces risques, le partenariat Afrique BRICS nécessite des garde-fous : l’harmonisation des législations minières et la transparence des contrats apparaissent comme des impératifs non-négociables.

Transferts technologiques et industrialisation

L’agriculture et l’énergie émergent comme terrains prometteurs pour une coopération équilibrée. Le programme ProSavana au Mozambique, copiloté par le Brésil, vise à transformer le corridor de Nacala en hub céréalier grâce au transfert de techniques agricoles tropicalisées. Dans le solaire, le complexe Noor Ouarzazate au Maroc bénéficie de technologies chinoises pour alimenter 1,3 million de foyers. Ces projets incarnent la mutation nécessaire des investissements BRICS en Afrique vers des secteurs créateurs de valeur ajoutée. La NDB finance d’ailleurs 55% de ses projets africains dans les énergies renouvelables, contre 35% il y a cinq ans. Cette évolution répond aux objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine qui prône une transformation productive des économies. Mais les obstacles persistent : seuls 12% des projets incluent des clauses contraignantes de formation locale, limitant le spillover technologique.

Le défi de la cohérence politique

L’hétérogénéité politique des BRICS+ constitue un écueil majeur pour la géopolitique africaine. Comment concilier les intérêts de démocraties comme l’Afrique du Sud avec ceux de régimes autoritaires comme la Russie ou l’Égypte ? Cette tension éclate lors des votes cruciaux : en mars 2024, l’Éthiopie s’est abstenue lors d’une résolution condamnant la Russie, sous pression diplomatique. Les divergences commerciales sont tout aussi problématiques : l’Inde impose des barrières douanières sur 85 produits agricoles africains, tandis que la Chine inonde les marchés de textiles subventionnés. Ces contradictions sapent la promesse d’un bloc uni face à l’Occident. Pour le professeur de relations internationales à l’université de Kinshasa, Jacques Matanda, “l’Afrique doit éviter de troquer une dépendance contre une autre. La force des BRICS+ réside dans leur pluralisme, mais c’est aussi leur talon d’Achille”.

Conclusion : vers un partenariat réinventé

Le partenariat Afrique BRICS présente des avantages tangibles : diversification des financements, accès à des marchés de 3 milliards de consommateurs, et érosion de l’unipolarisme occidental. Mais ces opportunités s’accompagnent de défis redoutables qui exigent une approche pragmatique. Trois axes semblent prioritaires : renforcer les mécanismes de transparence financière, exiger des clauses de contenu local dans les grands contrats, et promouvoir l’harmonisation réglementaire au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Comme le résume la présidente de la BAD, Akinwumi Adesina, “l’Afrique ne doit pas être un terrain de jeu mais un architecte de sa destinée économique”. Les BRICS+ offrent cette chance historique – à condition que le continent négocie en acteur stratège plutôt qu’en demandeur. La prochaine décennie révèlera si cette alliance émergente deviendra le catalyseur d’une véritable souveraineté africaine ou simplement un chapitre supplémentaire dans la longue histoire des dépendances économiques.

Article Ecrit par Cédric Botela

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