Douze ans après sa création par décret en juin 2013, la Société de Transport du Congo (TRANSCO), censée révolutionner la mobilité urbaine, navigue en eaux troubles. Ce fleuron du transport public Kinshasa, né du remplacement de l’UTEC et de City-train, accumule les dysfonctionnements comme autant de stigmates d’une gestion chaotique. Comment une entreprise publique dotée initialement de 500 bus ne parvient-elle plus à assurer le service minimum ? La réponse réside dans un cocktail explosif de tarifs inadaptés, de négligence étatique et de conflits internes.
Le cœur du problème bat au rythme d’un tarif figé dans le temps : 500 francs congolais par ticket, un montant devenu économiquement insoutenable. “Cette inadéquation tarifaire nous étrangle depuis 2013”, confie un cadre sous anonymat, soulignant l’impossibilité pour TRANSCO de générer des recettes viables. Une crise société transport qui reflète un paradoxe congolais : comment maintenir un service essentiel sans ajustement aux réalités inflationnistes ?
L’hémorragie s’aggrave avec des subventions gouvernementales erratiques. L’État, propriétaire de TRANSCO, manque régulièrement à ses obligations, laissant le parc automobile – jadis fierté nationale – se réduire comme peau de chagrin. “Les bus tombent en panne sans remplacement, et les subventions n’arrivent pas”, déplore notre source. Des chiffres éloquents : alors que l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) révélait en 2020 une dotation mensuelle de 80 000 litres de carburant, moins de 100 bus publique Congo circulent aujourd’hui sur les 500 acquis. Une déperdition de 80% du parc en une décennie !
À Kinshasa, les conséquences sont palpables. Sur les 33 lignes originelles, seules quelques-unes résistent péniblement. La raréfaction des bus contraint les usagers à recourir aux transports informels, gonflant leurs dépenses quotidiennes. Le phénomène du “demi-terrain” – ces détours imprévus des rares bus encore opérationnels – alourdit encore la facture des Kinois. Un véritable cercle vicieux où la carence de l’offre publique renchérit mécaniquement le coût de la mobilité.
Cette déliquescence opérationnelle s’enracine dans une gouvernance fracturée. Début 2024, le ministre Jean-Pierre Bemba suspendait le directeur général Cyprien Mbere après un conflit ouvert avec le président du conseil d’administration. Ces luttes intestines, couplées à des doutes sur la gestion financière, ont miné l’institution. L’ODEP pointait déjà en 2020 des incohérences troublantes : des recettes annuelles déclarées à 15 millions USD contre des dépenses salariales estimées à 24 millions USD pour 400 bus. Une équation financièrement intenable qui questionne la transparence comptable.
Quelles perspectives pour ce pilier défaillant du transport public ? La relance exige un triple remède : revalorisation urgente du ticket, subventions régulières et renouvellement du parc. Sans cela, TRANSCO risque de rejoindre les fantômes industriels du Congo. À l’heure où Kinshasa étouffe sous les embouteillages, cette entreprise publique demeure pourtant un levier crucial pour désengorger la capitale. Son redressement n’est pas qu’une question technique : c’est un impératif social pour des milliers de Congolais dont le pouvoir d’achat fond au rythme des carences du transport collectif.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd