Le projet des Rocades de Kinshasa, présenté comme un catalyseur de modernisation urbaine, se heurte à un écueil administratif révélateur des fractures entre ambitions gouvernementales et réalité foncière congolaise. Vendredi 4 juillet, Georges Koshi, coordonnateur de la Commission interministérielle chargée de l’expropriation, a dévoilé un chiffre saisissant : seuls 700 bailleurs ont transmis leurs titres fonciers Kinshasa sur les 3 813 parcelles identifiées. Cette paralysie documentaire, soit un taux de conformité de 18%, jette une ombre inquiétante sur le calendrier de cette opération d’envergure.
Devant la presse, Koshi a tenté de rassurer quant au processus d’indemnisations expropriation RDC : « Quant aux revendications légitimes […] une procédure est prévue à cet effet et suit son cours normal ». Pourtant, l’écart entre les parcelles concernées et les dossiers complets interroge. Comment un projet aussi structurant peut-il avancer lorsque 82% des propriétaires semblent en rupture avec l’administration foncière ? Le coordonnateur a promis un déblocage imminent pour ceux ayant signé le procès-verbal de négociation, assurant que « leurs comptes bancaires [seraient] bientôt crédités ». Une déclaration qui sonne comme un appel désespéré à la régularisation.
Le chemin vers l’indemnisation s’apparente à un parcours du combattant bureaucratique, comme en témoignent les étapes-clés rappelées par la Commission interministérielle expropriation : déclaration officielle par arrêté ministériel, sensibilisation des propriétaires, identification contradictoire des biens, collecte des documents fonciers, négociation des montants, et enfin paiement. Chaque maillon de cette chaîne dépend de la fiabilité des titres de propriété – maillon faible qui étrangle aujourd’hui l’ensemble du dispositif.
Face à ce goulot d’étranglement, Georges Koshi a lancé un appel solennel au calme et à la coopération, soulignant que « la réussite de ce projet structurant dépend de la collaboration de tous ». Un plaidoyer qui trahit l’urgence : sans mobilisation massive des propriétaires détenteurs de titres, le projet Rocades Kinshasa risque de s’enliser dans les sables mouvants des lenteurs administratives. La Commission tente de se draper dans les principes de « loyauté et d’honnêteté », mais peut-on réellement bâtir les autoroutes de demain sur des fondations juridiques aussi fragiles ?
Derrière les chiffres se profile un enjeu politique brûlant. Ce blocage met en lumière la précarité des droits fonciers dans la capitale congolaise et interroge la capacité de l’État à concilier développement infrastructurel et sécurité juridique des citoyens. Si les indemnisations tardent à se matérialiser pour les 700 dossiers régularisés, elles pourraient devenir un argument massue pour les récalcitrants. Le gouvernement joue ici sa crédibilité : un échec à démontrer sa capacité à exécuter les compensations promises pourrait transformer ce projet d’urbanisation en symbole de défiance populaire. L’épée de Damoclès des expropriations non réglées plane désormais sur l’avenir des Rocades.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
