L’occupation persistante de Goma au Nord-Kivu et de Bukavu au Sud-Kivu par la rébellion AFC/M23, soutenue par le Rwanda, a engendré un effondrement sans précédent du système financier local. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts des Nations Unies consulté par nos confrères, cette paralysie bancaire systémique a transformé ces zones en déserts monétaires, où les transferts de fonds et le versement des salaires sont devenus des opérations impossibles. Comment une économie régionale peut-elle survivre sans liquidités ? La réponse se lit dans la détresse quotidienne des commerçants et ménages confrontés à une asphyxie financière organisée.
En avril 2025, une tentative désespérée de relance a vu Corneille Nangaa annoncer la réouverture de la Caisse générale d’épargne du Congo (CADECO) et la création d’une « Autorité de régulation du secteur économique, financier et des assurances » – un simulacre de banque centrale. Cette initiative, qualifiée de « manipulation économique » par la direction légitime de CADECO, s’est heurtée à un mur de réalités techniques et juridiques. Le statut sanctionné du M23 sur la scène internationale a bloqué toute affiliation au système SWIFT ou reconnaissance par la Banque des Règlements Internationaux, condamnant d’emblée cette structure parallèle à l’échec. Le système bancaire paralysé RDC atteint ici son paroxysme dans les zones occupées.
Les conséquences économiques sont chiffrées avec une précision glaçante. Le dollar américain, devise pivot des transactions commerciales, s’est raréfié à un niveau critique à Bukavu et Goma. Les changeurs de monnaie rapportent une envolée spectaculaire du taux de change : de 2 700 francs congolais avant l’occupation, le billet vert dépasse désormais les 3 000 FC, soit une dépréciation de plus de 11% de la monnaie locale. Cette dollar rare Bukavu crée un effet ciseau insoutenable pour les entreprises, étranglées entre la pénurie de devises et la chute vertigineuse du pouvoir d’achat. Les alternatives numériques coûteuses ne pallient qu’à peine l’absence de circuits bancaires traditionnels.
À Kinshasa, le vice-Premier ministre chargé de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, avait anticipé cet échec retentissant. Lors d’un briefing, il a martelé que « seule la Banque Centrale du Congo constitue la colonne vertébrale du secteur bancaire national ». Cette position reflète l’impossible équation de la CADECO M23 : comment une entité non reconnue pourrait-elle restaurer la confiance dans un système financier déjà exsangue ? Le rapport onusien souligne que ces perturbations ont « affecté tous les aspects de la vie quotidienne », forçant les populations à des expédients risqués pour accéder à leurs propres fonds.
L’occupation économique M23 révèle ainsi son vrai visage : un champ de ruines monétaires où chaque jour sans banque opérationnelle creuse le déficit commercial et aggrave la paupérisation. Les experts internationaux tirent la sonnette d’alarme sur les risques de contournement des sanctions via des circuits informels, tandis que l’économie locale ressemble désormais à un patient en réanimation sans perfusion financière. L’urgence n’est plus seulement sécuritaire, mais vitale pour la survie économique de deux provinces stratégiques. Sans reprise du contrôle souverain par Kinshasa, la M23 occupation économique pourrait transformer cette crise bancaire Goma en nécrose irréversible du tissu productif.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd