Quel prix les élèves du Nord-Kivu doivent-ils payer pour accéder à l’éducation fondamentale ? La question se pose cruellement dans le territoire de Lubero, où quatre centres de passation de l’Examen national de fin d’études primaires (ENAFEP) ont été délocalisés en urgence. Initialement prévus près des localités de Mabambi et Ndeko, ces centres fonctionnent désormais à Malende et Vuhinga, à quelque 100 kilomètres de Lubero-centre.
Cette décision administrative, prise dans un contexte de vives tensions sécuritaires, répond aux affrontements récurrents entre la coalition des forces armées congolaises et ougandaises (FARDC-UPDF) et un groupe Maï-Maï. Les combats se concentraient autour de la colline Muhola à Mabambi, menaçant directement la tenue des épreuves scolaires. « J’étais dans l’obligation de délocaliser certains centres qui devaient recevoir ces élèves », a expliqué le colonel Alain Kiwewa, administrateur du territoire de Lubero. Quatre établissements sont concernés : Ndeko, Katembo, Kasihiro et Vitanda.
Comment les autorités ont-elles géré cette transition délicate ? Selon l’officier, les écoles primaires Kiragho, Swanga, Kahuru et Mwangaza 2 ont été officiellement informées pour accueillir les candidats déplacés. Ces structures, soigneusement sélectionnées, permettent aujourd’hui la poursuite des évaluations dans des conditions apaisées. « Jusqu’à cette heure-ci, les examens se passent très bien », affirme-t-il, tentant de rassurer parents et enseignants.
Cette situation illustre pourtant un défi plus large : la persistance de l’insécurité au Nord-Kivu continue de fragiliser le système éducatif congolais. Le territoire de Lubero, zone rurale souvent oubliée, subit de plein fouet les conséquences des conflits armés sur la scolarisation. Les élèves, déjà confrontés aux difficultés d’accès aux ressources pédagogiques, voient leur parcours perturbé par des décisions imposées par la violence.
Qu’adviendra-t-il des futures sessions d’examen si la stabilité ne revient pas ? La délocalisation des centres ENAFEP pose aussi la question des moyens logistiques. Les nouvelles localités d’accueil, bien que plus sûres, impliquent des déplacements conséquents pour des familles dont les ressources sont limitées. Certains candidats ont dû parcourir des dizaines de kilomètres sur des routes peu praticables, un parcours du combattant avant même de composer.
Cette crise rappelle l’urgence de protéger les espaces éducatifs dans les zones de conflit. Alors que la RDC s’efforce de relever son système scolaire, l’insécurité dans des régions comme le Nord-Kivu sape méthodiquement ces efforts. Les enseignants sur place, souvent anonymes, déplorent ces interruptions répétées : « Chaque délocalisation est une déchirure pour nos élèves. Ils méritent une enfance sans fuite précipitée vers des salles d’examen », confie l’un d’eux sous couvert d’anonymat.
À l’heure où les copies sont corrigées à Vuhinga et Malende, une réflexion s’impose : jusqu’où devra-t-on déplacer l’école congolaise pour la préserver des balles ? La résilience du système éducatif face aux conflits armés reste un enjeu majeur pour l’avenir de toute une génération dans le territoire de Lubero.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net