Des mains tremblantes déposent des fleurs sur une tombe anonyme du cimetière de Goma. « Il a donné sa vie pour que nos enfants ne mangent pas du poison », murmure un vieil homme, la voix nouée par l’émotion. Ce 8 juillet, la dépouille de Floribert Bwana Chui, ce jeune laïc élevé à la gloire des autels, quittera ce lieu pour rejoindre la cathédrale Saint-Joseph dans une cérémonie historique. La Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) transforme ce geste en acte de résistance collective.
Monseigneur Donatien N’shole, secrétaire général de la CENCO, a confirmé que cette translation solennelle s’accompagnera d’une messe d’action de grâce. À Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo présidera une célébration parallèle à la cathédrale Notre-Dame du Congo. Dans un pays rongé par la corruption, ces hommages résonnent comme un coup de tonnerre. Car Floribert Bwana Chui n’est pas un saint ordinaire : ce cadre de l’Office Congolais de Contrôle (OCC) fut assassiné en juillet 2007 après avoir bloqué l’importation de denrées alimentaires non conformes en provenance du Rwanda. Son crime ? Avoir refusé un pot-de-vin.
« Martyr de l’honnêteté et de l’intégrité morale » : c’est par ces mots que le pape François l’a béatifié en novembre 2024, transformant sa mort atroce en symbole universel. Lors de la cérémonie de béatification à Rome en juin 2025, le cardinal Ambongo lançait un appel vibrant : « Floribert nous montre la voie. Sa béatification au cœur des violences de l’Est est un signe de Dieu parmi son peuple souffrant ». La communauté Sant’Egidio, à laquelle appartenait Bwana Chui, garde vivace le souvenir de cet homme dont le corps fut retrouvé deux jours après son enlèvement, victime d’un système qu’il avait osé défier.
Quel prix faut-il payer pour rester intègre en RDC ? La question hante les allées du pouvoir comme les ruelles de Kinshasa. La CENCO l’a bien compris, annonçant des recommandations concrètes pour éradiquer ce fléau qui saigne la nation. La translation du corps à Goma n’est pas qu’un acte religieux : c’est un miroir tendu à la conscience nationale. Dans une région minée par les conflits, où les trafics en tout genre prospèrent, le parcours de ce jeune homme devient une boussole morale.
À l’heure où des cadavres de manifestants flottent sur le fleuve Congo, l’exemple de Floribert Bwana Chui interroge la société tout entière. La béatification Congo porte en elle un paradoxe déchirant : comment un pays si riche en ressources naturelles et en héros discrets peut-il rester englué dans la mal-gouvernance ? Les fidèles qui défileront le 8 juillet devant sa dépouille à la cathédrale Saint-Joseph ne vénèrent pas seulement un bienheureux – ils célèbrent l’espoir têtu que demain puisse être différent. Comme le souligne un prêtre gomatracien sous couvert d’anonymat : « Chaque fleur déposée sur son cercueil est un acte de résistance contre la pourriture morale ».
La route sera longue, mais la CENCO hommage à ce martyr intégrité trace un chemin. Alors que le cortège funèbre avancera dans les rues de Goma, portant ce corps devenu étendard, une question brûlera les lèvres : et si le vrai miracle n’était pas sa béatification, mais l’éveil des consciences qu’elle provoque ? Dans l’Est meurtri, cette translation corps Goma pourrait bien être la première pierre d’une révolution silencieuse contre la corruption. Floribert Bwana Chui l’avait pressenti : parfois, pour faire triompher la lumière, il faut consentir à devenir soi-même une flamme.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd