Alors que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) poursuivent leur laborieuse construction d’un dialogue national inclusif, une voix discordante résonne depuis l’esplanade du Palais du Peuple. Israël Dodo Kamba, archevêque supérieur des églises de réveil, a lancé un pavé dans la mare religieuse lors d’un culte œcuménique ce 30 juin 2025, fustigeant avec une verdeur biblique les compromissions politiques qui guetteraient l’initiative de paix.
L’heure est passée de prendre l’argent des politiques et de défendre leurs causes sous prétexte de rechercher la paix. Si réellement dans votre cœur c’est le souci d’amener la paix, alors il faut que votre conscience soit pure
Cette charge frontale, délivrée devant une mosaïque de communautés religieuses, vise explicitement le pacte social pour les Grands Lacs porté par les deux institutions ecclésiales. Depuis avril dernier, évêques et pasteurs multiplient les rencontres avec chefs rebelles, présidents africains et européens, dans une quête de stabilisation de l’Est congolais. Une démarche présentée comme complémentaire aux processus de Luanda et Nairobi, mais que Dodo Kamba soupçonne d’être transformée en caisse de résonance politique.
L’avertissement tombe à pic, alors que la CENCO-ECC vient justement de faire le point sur l’évolution de leur pacte social après avoir remis leur rapport au chef de l’État. Les deux Églises insistent sur leur volonté de créer des « passerelles de collaboration » pour un dialogue rassemblant tous les acteurs nationaux. Elles saluent d’ailleurs l’accord de Washington entre Kinshasa et Kigali comme une « avancée majeure ». Mais l’archevêque des églises de réveil, dans un réquisitoire en forme de mise en garde prophétique, questionne : cette belle mécanique ne cache-t-elle pas des agendas inavouables ?
Il faudrait que vous soyez sûrs que la démarche entreprise n’est pas la cause de politiciens qui se cachent. Vous devez être sûrs que vous ne travaillez pas pour des personnes qui n’aiment pas le pays
Le paradoxe est saisissant : alors que Dodo Kamba se présente en défenseur intransigeant de la pacification, ce pilier de l’Église congolaise reste curieusement en marge des processus formels de médiation. Son exclusion – ou son auto-exclusion ? – des cercles de négociation interroge sur les fractures au sein même du paysage religieux congolais. Dans quel jeu d’échecs les confessions se sont-elles engagées ?
L’enjeu dépasse les simples querelles de clocher. Alors que la RDC tente de construire un pacte social capable de résister aux déstabilisations récurrentes de sa frontière orientale, cette mise en garde sonne comme un rappel à l’ordre déontologique. La crédibilité même du processus repose sur l’indépendance des médiateurs religieux face aux sirènes du pouvoir et de l’argent. Le véritable test ne résidera-t-il pas dans la capacité des Églises à résister à cette instrumentalisation politique tant dénoncée ?
Alors que le projet de dialogue inclusif entre dans sa phase cruciale, l’exigence de « conscience pure » formulée par Dodo Kamba pourrait bien devenir la pierre de touche de la légitimité ecclésiale. Les prochaines semaines révéleront si les garde-fous éthiques suffiront à préserver l’initiative de paix des calculs partisans qui ont si souvent miné les efforts de stabilisation dans les Grands Lacs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd