Dans un discours solennel marquant le 65e anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi a mis en exergue lundi sa récente entrevue avec Martin Fayulu, y discernant une « volonté partagée de placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus des querelles partisanes ». Ce geste politique fort, survenu dans un contexte de crise multidimensionnelle, interroge : s’agit-il d’une simple trêve oratoire ou d’une réelle inflexion vers la réconciliation politique en RDC ?
Le chef de l’État a qualifié cette rencontre du 5 juin de « étape importante » vers une dynamique d’« écoute mutuelle et de respect réciproque », insistant sur son adéquation avec les attentes citoyennes. « Elle donne corps à l’exigence du peuple congolais d’une classe dirigeante unie, capable d’agir avec maturité aux moments critiques », a-t-il déclaré, dans une allusion transparente aux défis sécuritaires qui érodent la souveraineté nationale. Cette référence à la crise dans l’Est de la RDC, où sévit la rébellion du M23 soutenue par Kigali, n’est certes pas fortuite.
Lors de leur entretien à la présidence, les deux figures politiques ont abordé l’urgence d’une réponse coordonnée face aux périls menaçant l’intégrité territoriale. Fayulu, président de l’ECIDE, en a tiré un plaidoyer pour la constitution d’un « camp de la patrie », martelant que « la solution, c’est un dialogue ». Son appel résonne comme un défi lancé au pouvoir : jusqu’où ce dernier acceptera-t-il d’élargir la concertation, notamment avec les confessions religieuses ?
Car l’opposant a explicitement exhorté Tshisekedi à rencontrer les responsables de la CENCO et de l’ECC, initiateurs du projet de « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Ce dialogue national ambitieux, né dans le giron des Églises, attend toujours sa présentation officielle à l’exécutif. L’attentisme présidentiel sur ce dossier crucial nourrit les spéculations : la réconciliation affichée survivra-t-elle à l’épreuve des actes concrets ?
À l’heure où le pays commémore 65 ans d’indépendance, ce rapprochement tactique soulève des enjeux capitaux. Si Tshisekedi y voit un gage de maturité démocratique, l’absence de feuille de route commune et la persistance des violences dans l’Est interrogent sa portée réelle. La balle est désormais dans le camp du président : saura-t-il transformer cette symbolique de l’unité en mécanismes institutionnels durables, notamment en s’appropriant l’initiative des Grands Lacs ? Le prochain rendez-vous, déterminant, se jouera autour de la réception – ou non – du rapport final des consultations religieuses. L’Histoire retiendra si ce dialogue ébauché reste un épiphénomène ou fonde une nouvelle grammaire politique congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd