Les rues de Beni, chef-lieu provisoire du Nord-Kivu, arboraient ce 30 juin une singulière absence de drapeaux congolais. Dans cette région martyre de l’Est de la RDC, le 65e anniversaire de l’indépendance ressemblait davantage à un constat d’échec qu’à une célébration. « 65 ans après l’indépendance, nous devrions être un peuple libre et épanoui. Mais ici au Nord-Kivu, on vit encore dans la guerre », confie un habitant, la voix nouée par l’émotion. Que signifie donc cette indépendance quand des groupes armés contrôlent encore nos nuits et nos déplacements ?
L’insécurité Nord-Kivu plane comme un spectre sur cette commémoration. Dans le quotidien des Benois, les fusillades nocturnes et les barrières illégales ont remplacé les parades festives. Un vieux commerçant du marché central se souvient : « Avant, le 30 juin c’était des danses, des chants… Aujourd’hui, sortir après 18h c’est risquer sa vie. Peut-on vraiment parler d’indépendance RDC Beni quand notre terre reste occupée ? » Ses mains tremblent en évoquant son neveu enlevé par des miliciens l’an dernier.
Pourtant, au milieu de ce désenchantement, des lueurs d’espoir persistent. Patience Sinamuli, coordonnatrice de l’organisation féminine Tous engagés pour la paix et le développement, garde la flamme allumée : « Moi je suis née bien après l’indépendance, mais je crois qu’on peut encore construire un vrai Congo. » Son regard déterminé traverse la brume matinale qui enveloppe la ville. « La paix Est RDC n’est pas une utopie si nous cultivons l’unité et la justice. Chaque citoyen doit devenir artisan de cette indépendance inachevée. »
Ces témoignages habitants Beni révèlent un profond paradoxe. Comment célébrer 65 ans indépendance Congo quand l’Est du pays vit sous la coupe de factions armées ? Le professeur d’histoire Lokana Biko analyse : « Notre indépendance politique de 1960 reste tronquée sans indépendance sécuritaire et économique. Les jeunes ici connaissent mieux le bruit des kalachnikovs que l’hymne national. » Son bureau de l’université locale est tapissé de cartes montrant les zones rouges d’insécurité.
La journée s’achève dans un silence lourd. Pas de feux d’artifice, seulement quelques chuchotements dans les cours familiales. Pour ces Congolais de l’Est, l’indépendance se mesure à l’aune de réalités concrètes : pouvoir cultiver son champ sans craindre les milices, envoyer ses enfants à l’école sans angoisse, dormir sans sursauter aux rafales. La paix n’est pas une abstraction politique ici, mais la condition sine qua non d’une véritable liberté. Comme le murmure une mère de famille en serrant son bébé contre elle : « Notre indépendance, elle commencera quand nos maris reviendront des champs vivants chaque soir. »
Alors que Kinshasa déploie ses fastes officiels, Beni incarne cette indépendance en suspens. Les 65 bougies soufflées ce 30 juin illuminent cruellement le chemin restant à parcourir. Mais dans les yeux de Patience et de ses compagnons de lutte, brûle cette conviction : la vraie commémoration viendra quand la paix sera enfin plantée comme un drapeau sur cette terre meurtrie. Leur combat quotidien donne déjà un sens nouveau à ces 65 ans indépendance Congo – non comme un aboutissement, mais comme une promesse à tenir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
