Dans un plaidoyer politique inattendu, Jean-Marc Kabund, figure de l’opposition récemment libérée, a jeté un pavé dans la mare diplomatique congolaise. L’ancien numéro deux de l’UDPS estime que l’accord signé entre Kinshasa et Kigali, malgré ses imperfections flagrantes, pourrait paradoxalement servir de catalyseur à une résolution durable de la crise sécuritaire qui ensanglante l’Est de la RDC. Sa proposition ? Un double dialogue : entre États d’abord, entre Congolais ensuite.
« Nous avons proposé un dialogue sincère devant aboutir au retrait des troupes rwandaises », a déclaré Kabund, reconnaissant que l’accord du 27 juin comporte des « incohérences, des insuffisances, des zones d’ombre et des pièges ». Cette autocritique voilée interroge : l’opposant transformé en pragmatique voit-il dans ce texte controversé la seule issue possible face à l’enlisement militaire ? Son analyse suggère que même un mécanisme boiteux vaut mieux que le statu quo meurtrier, à condition que Washington, garant désigné, en surveille l’application avec une rigueur implacable.
Le véritable enjeu réside selon lui dans l’étape suivante : ce dialogue intercongolais devenu le mantra de sa sortie de prison. Kabund en esquisse les contours : des pourparlers inclusifs capables de résoudre la question épineuse des groupes armés, notamment l’AFC/M23 et les Wazalendo. Mais comment bâtir cette « véritable cohésion nationale » lorsqu’on émerge de trois ans de détention politique ? L’ironie de la situation n’échappera pas aux observateurs : celui qui fut un critique féroce du pouvoir en appelle aujourd’hui à la concertation.
Plus audacieuse encore est sa lecture des crises parallèles frappant le pays. Pour Kabund, la crise sécuritaire à l’Est ne se résoudra pas sans apaisement des tensions politiques internes, des fractures sociales et du marasme moral. Son diagnostic est sans appel : l’accord avec Kigali restera lettre morte sans « des élections crédibles dans le délai constitutionnel ». N’est-ce pas là un avertissement déguisé au gouvernement actuel ?
La quadrature du cercle congolais se dessine ainsi : peut-on bâtir la paix extérieure sans réconciliation intérieure ? Kabund semble miser sur un jeu d’échecs diplomatique où l’accord RDC-Rwanda ne serait que l’ouverture d’une partie plus complexe. Mais les groupes armés du Kivu accepteront-ils de déposer les armes sur simple promesse de dialogue ? Et la classe politique congolaise, déchirée par les ambitions présidentielles, saura-t-elle saisir cette improbable fenêtre de tir ? La réponse déterminera si cet « imperfection » diplomatique deviendra un marchepied historique ou un nouvel échec cuisant dans l’interminable crise sécuritaire est RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd