Dans un geste chargé de symbolisme politique, l’Assemblée provinciale de la Tshopo a décerné ce vendredi 27 juin 2025 au Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo le titre de “Patriarche de Paix et de Réconciliation entre les communautés Tshopolaises”. Cette distinction, remise en ouverture du 49ᵉ Conseil des ministres par le Vice-premier ministre Jacquemain Shabani, vient sceller une réconciliation historique obtenue après des mois de clivages exacerbés. Mais au-delà de l’honneur protocolaire, cette reconnaissance interroge : jusqu’où un titre symbolique peut-il consolider une paix encore fragile ?
Le processus, couronné par la signature d’un pacte de paix durable à Osio le 21 juin dernier, résulte de six mois de médiations intensives pilotées depuis Kinshasa. Les élus provinciaux soulignent l’implication personnelle du chef de l’État dans la pacification de la Tshopo, notamment à travers l’organisation d’un Forum de Paix et la réhabilitation des rituels coutumiers locaux. Cette approche hybride, mêlant modernité politique et traditions ancestrales, aurait permis de désamorcer des tensions communautaires menaçant la stabilité régionale. Pourtant, la question demeure : ce modèle est-il reproductible dans d’autres provinces minées par les conflits ethniques ?
Analysons les coulisses de cette réconciliation Tshopo. Le titre de Patriarche de Paix ne tombe pas par hasard ; il récompense une stratégie présidentielle axée sur l’écoute active et la délégation contrôlée aux acteurs locaux. En confiant au gouvernement provincial l’application de sa politique nationale de règlement des conflits, Tshisekedi a habilement évité l’écueil d’un interventionnisme perçu comme néocolonial. Le pacte signé à Osio, véritable colonne vertébrale de cette paix retrouvée, engage désormais les communautés antagonistes dans un cadre institutionnel contraignant. Mais gare aux lendemains qui déchantent : la pérennité de cet accord dépendra des moyens alloués à sa mise en œuvre concrète.
Sur le plan politique, cette distinction offre au Président un capital symbolique inestimable à l’approche des échéances électorales. En se posant en artisan de la cohésion sociale, il renforce son image d’arbitre national tout en consolidant son assise dans une province stratégique. L’Assemblée provinciale de la Tshopo, par ce geste unanimiste, assoit également sa légitimité comme relai du pouvoir central. Cependant, certains observateurs murmurent que ce « Patriarche de Paix » pourrait bien devenir un bouclier commode pour masquer les retards dans la sécurisation complète de l’Est. La paix durable se mesure-t-elle aux titres honorifiques ou aux résultats tangibles sur le terrain ?
Reste que ce pacte paix RDC ouvre une voie prometteuse. En institutionnalisant les mécanismes coutumiers de médiation, il crée un précédent transférable aux foyers de tension du Kivu ou de l’Ituri. Mais le véritable test viendra avec la traduction budgétaire des engagements : sans fonds dédiés au développement local et à la réinsertion des jeunes, les vieux démons pourraient ressurgir. Tshisekedi, désormais intronisé Patriarche, portera-t-il cette réconciliation au-delà des symboles ? L’avenir de la Tshopo, et peut-être de toute la République démocratique du Congo, se jouera dans cette capacité à transformer les rituels en réalité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
