Dans la cour poussiéreuse de la clinique mobile de Minova, une mère serre contre elle son enfant fiévreux. Son regard perdu raconte ce que les statistiques ne peuvent exprimer : l’épuisement d’une population prise au piège des conflits armés dans l’Est de la RDC. « Nous avons tout perdu en fuyant les combats. Ici au moins, on nous soigne », murmure-t-elle, alors que le personnel médical s’affaire autour des dizaines de déplacés entassés sous des bâches.
Cette scène de détresse quotidienne, le coordinateur des secours d’urgence des Nations Unies, Tom Fletcher, l’a observée mercredi lors de sa visite onu Minova, épicentre d’une crise humanitaire oubliée. Dans cette localité du Sud-Kivu, comme à Sasha au Nord-Kivu, il a touché du doigt l’ampleur des besoins : accès à l’eau potable, soins médicaux d’urgence, protection des femmes rapatriées. Chaque projet visité forme un maillon fragile dans la chaîne de survie des déplacés Sud-Kivu.
« Cette clinique mobile à Minova fournit des soins essentiels aux familles affectées. Un travail extraordinaire, menacé par les coupes budgétaires », a lancé Fletcher, le visage grave. Son avertissement résonne comme un coup de semonce dans un contexte où plus de 20 millions de personnes ont besoin d’aide dans l’Est de la RDC. Comment expliquer que le financement aide humanitaire diminue alors que les besoins explosent ? La question brûle les lèvres des acteurs sur le terrain.
À Goma, la réunion avec les humanitaires a dressé un constat implacable : les conflits armés Est RDC génèrent un flux continu de déplacés, tandis que ceux qui tentent de retourner chez eux se heurtent à l’absence totale de services de base. « Des centaines de milliers de déplacés retournent chez eux. Tous souhaitent tourner la page. Nous devons briser le cycle des déplacements », a plaidé Fletcher sur son compte X. Un vœu pieux quand on sait que le plan de réponse humanitaire pour la RDC n’est financé qu’à 28% en 2024.
La clinique mobile Minova symbolise ce paradoxe. Alors qu’elle sauve des vies chaque jour avec des moyens dérisoires, son avenir est compromis par le manque de fonds. Les femmes y reçoivent des soins post-traumatiques après avoir subi des violences inommables. Les enfants y sont vaccinés contre la rougeole dans une région où les épidémies font des ravages. Mais pour combien de temps encore ?
Dans l’ombre de cette visite onu Minova, une vérité cruelle émerge : sans soutien international accru, ces projets vitaux vont disparaître, condamnant des milliers de familles à une précarité mortelle. Les communautés meurtries par les conflits armés Est RDC attendent plus que des promesses. Elles réclament des écoles reconstruites, des champs déminés, des dispensaires pérennes. « On veut juste cultiver notre terre sans peur », soupire un ancien paysan rencontré près du projet d’eau potable.
La tournée de Fletcher aura au moins mis en lumière l’urgence oubliée du Sud-Kivu. Mais sera-t-elle suffisante pour inverser la tendance des financements aide humanitaire en chute libre ? L’avenir des déplacés se joue désormais dans les capitales occidentales, loin de la poussière rouge de Minova où, chaque matin, des mères continuent d’aligner leurs enfants devant la clinique mobile dans l’espoir d’une consultation salvatrice.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net