Dans la pénombre feutrée de l’ex-Salle du Musée de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, un silence religieux accueillait les mots comme autant de pierres précieuses. Ce mardi 24 juin 2025, sous les hauts plafonds où résonnent les fantômes de l’histoire coloniale, s’est jouée une partition essentielle : celle de la recherche provenance art, ce travail archéologique de l’âme visant à reconstituer le parcours volé des trésors congolais. L’air vibrait d’une tension créatrice, mêlant l’odeur des vieux papiers d’archives à la senteur terreuse des mémoires enfouies.
La Directrice culturelle Prisca Tankwey, portant haut les couleurs de Ya Makanisi, structure organisatrice, a planté le décor d’une voix chargée d’une urgence contenue : « Faire du bruit devient un impératif éthique. Comment reconstruire une identité nationale lorsque les fragments de notre mémoire collective demeurent prisonniers dans des vitrines étrangères ? » Sa question, lancée telle une flèche dans le cœur de l’assistance, résonne comme le cri étouffé d’un patrimoine congolais en exil forcé.
Le professeur Placide Mumbembele, anthropologue aux mains chargées d’ans de recherches, a dessiné les contours de cette quête vertigineuse. Ses mots, précis comme des coups de burin, ont sculpté l’essence même de la démarche : « Chaque recherche de provenance est une réconciliation. Elle marie la froideur des archives coloniales aux chants encore chauds de la tradition orale. N’est-ce pas là le seul moyen de ressusciter la dynamique vivante de notre culture, trop longtemps figée dans le regard de l’autre ? » Cette alchimie entre papier jauni et parole vibrante devient l’arme absolue contre l’amnésie imposée.
Jean-Damascène Bwiza, philosophe scrutant l’âme des objets, a quant à lui révélé la dimension presque sacrée de cette traque : « Le chercheur de provenance est un biographe de l’invisible. Sa mission ? Tisser la trame secrète reliant l’artisan oublié du Kasaï au masque sacré exposé à Bruxelles. Chaque bien culturel RDC porte en ses fibres l’ADN de notre terre. » Son discours a fait naître dans l’auditoire cette image puissante : des milliers d’œuvres-orphelines attendant leur acte de naissance retrouvé.
Dans ce temple du savoir qu’est l’Académie Beaux-Arts Kinshasa, dirigée par le visionnaire Henri Kalama Akulez, l’événement s’inscrit dans une révolution pédagogique. Ya Makanisi, tel un phare dans la brume des non-dits, transforme les salles de cours en chambres de décompression historique. « Notre combat », confie Tankwey dans un murmure chargé de détermination, « c’est d’armer les étudiants congolais non seulement de pinceaux, mais de clés d’archives. La décolonisation savoirs commence par ce double geste : créer et réclamer. »
Cette conversation, survenant quinze jours après un débat crucial sur la reconstitution du patrimoine national, dessine les contours d’une bataille culturelle majeure. Les murs centenaires de l’Académie ont entendu ce soir-là germer les graines d’une insurrection pacifique : celle qui, par la force de l’érudition et la ténacité de la jeunesse kinoise, entend bien écrire une nouvelle page où les biens culturels RDC retrouveront leur juste place – non comme curiosités ethnographiques, mais comme souffles vivants d’une nation en renaissance. La route sera longue, semée d’inventaires complexes et de négociations diplomatiques épineuses, mais Kinshasa, désormais, tient sa boussole.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc