La cathédrale Mudzi-Maria de Bunia vibrait d’une solennité particulière ce mardi 24 juin. Alors que Mgr Dieudonné Uringi célébrait ses vingt années d’épiscopat, ce n’est pas un hommage personnel qu’il a offert, mais un cri du cœur pour l’Ituri ensanglantée. Dans une homélie chargée d’émotion, l’évêque a pointé du doigt l’impasse tragique des armes : « La guerre ne fait que nous rendre pauvres. » Une vérité brutale qui résonne dans cette province où des milliers de déplacés survivent dans des camps de fortune, où les écoles restent fermées, où les champs deviennent des champs de bataille.
Face aux autorités civiles et militaires présentes, Mgr Uringi a martelé un impératif : « Je vous invite à travailler pour la pacification de notre province. » Ses mots, ciselés par deux décennies d’accompagnement des victimes, tracent un chemin audacieux. Le pardon, affirme-t-il, n’est pas une faiblesse mais une libération : « Le plus grand service que nous puissions rendre à ce monde, c’est de lui dire que la paix est possible et que le pardon libère. » Une question nous hante : combien de générations devront encore grandir dans la peur avant que cet appel à la pacification Ituri ne soit entendu ?
L’évêque de Bunia dénonce avec une lucidité cinglante un paradoxe mortifère. Comment accepter que « l’émergence d’une petite tranche de la population » masque la détresse collective ? Dans les rues de Bunia, des commerces neufs côtoient des maisons criblées de balles, symbole d’une croissance à deux vitesses. « Sans paix, il n’y a pas de développement durable », rappelle-t-il, soulignant que les projets d’infrastructures restent vains quand les routes sont coupées par des miliciens. Cette vérité résonne particulièrement en Ituri, où l’exploitation aurifère profite à quelques-uns tandis que les communautés payent le prix du sang.
Derrière ce plaidoyer, se dessine un enjeu crucial pour la cohésion sociale. Comment reconstruire lorsque la méfiance s’est installée entre voisins ? Mgr Uringi propose un antidote radical : substituer la culture de la suspicion par celle du dialogue. Son expérience pastorale lui a montré que les bourreaux d’hier peuvent devenir les artisans de paix de demain – pourvu que la justice et la réconciliation marchent de concert. La route est longue vers le développement durable Ituri, mais chaque cessez-le-feu local, chaque arme déposée, est une victoire sur le fatalisme.
Alors que le soleil déclinait sur la cathédrale, la foule s’est dispersée avec ces paroles en héritage. Vingt ans après son ordination, Mgr Dieudonné Uringi n’offre pas de solutions miracles, mais une boussole : seule la paix rend possible l’école pour les enfants, les récoltes pour les paysans, l’hôpital pour les malades. Son appel est un rappel à l’ordre pour les décideurs et un souffle d’espoir pour les oubliés de l’Ituri. Car comme le murmure une commerçante de Djugu : « Même les pierres de notre marché sont fatiguées des explosions. »
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net