Le quai de Tchomia vibre à nouveau de vie chaque lundi et jeudi. Sous le soleil d’Ituri, des centaines de visages marqués par l’exil descendent des pirogues venues des camps de pêche de Ramogi à Mahagi ou des bourgades ougandaises de Toroko et Butiaba. « Je n’ai plus rien à craindre pour mes enfants ici », confie Mambo, pêcheur de 47 ans serrant contre lui un filet rougi par le soleil. Comme lui, près de 90% des habitants déplacés de ce centre commercial stratégique et des localités voisines de Mita et Bukuku ont regagné leurs foyers, selon la société civile locale. Un retour massif impensable il y a trois mois encore, lorsque la milice CRP de Thomas Lubanga semait la terreur.
Cette renaissance tient à l’accalmie sécuritaire née des opérations conjointes menées depuis plus d’un mois par les FARDC et l’armée ougandaise. Les zones autrefois interdites comme Bukuku, à quelques encablures de Tchomia, résonnent à nouveau des rires d’enfants et du cliquetis des pioches dans les champs. « C’est la première récolte de manioc depuis mars que nous ne devons pas abandonner aux miliciens », s’émeut Kavira, cultivatrice retrouvant son lopin après cinq mois d’errance. La relance économique de Bunia et sa périphérie prend corps : boutiques rouvertes, étals de poissons frais alignés sur les marchés, bétail reconduit aux pâturages.
Le mouvement s’amplifie avec près de 500 rapatriés hebdomadaires débarquant sur les berges de Tchomia. Une dynamique soutenue par les humanitaires qui ont distribué des fonds de relance à 5 000 personnes. « Cet argent m’a permis de racheter deux pirogues », témoigne Asani, transformant son poisson fumé en commerce florissant. Mais cette paix retrounée tiendra-t-elle ? La société civile lance un avertissement solennel : « Tant que la CRP n’est pas totalement démantelée, des camps de pêche vitaux comme Nyamamba ou Café resteront des zones de non-droit ».
Si les opérations FARDC-Ouganda ont libéré l’accès aux rives sud du lac Albert, l’ombre de Thomas Lubanga plane encore sur certains havres de pêcheurs. Les habitants, tout en reprenant le fil de leurs vies brisées, gardent un œil inquiet vers la forêt. Le défi désormais ? Transformer cette trêve précaire en stabilité durable pour que Tchomia ne revive plus jamais l’exode de mars dernier. Car derrière ces retours, c’est tout l’avenir socio-économique de l’Ituri qui se joue sur ces eaux poissonneuses où se mêlent aujourd’hui espoirs et méfiances.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net