Jacques, chauffeur de taxi à Kinshasa, tambourine nerveusement son volant : « J’ai fait la queue trois jours à la CONADEP, mais sans ce permis biométrique, comment vais-je nourrir ma famille après le 30 juin ? » Sa panisse résume l’angoisse de milliers de Congolais pris dans une course contre la montre. Lundi prochain, le 30 juin, sonnera l’heure de vérité : début des contrôles impitoyables du nouveau permis de conduire biométrique à puce sur toutes les routes de la RDC. Une révolution dans un pays où la régularité des documents se heurte souvent à l’ombre de la corruption.
Par un communiqué solennel en mars dernier, Jean-Pierre Bemba, vice-premier ministre des Transports, avait pourtant lancé un appel clair : tout conducteur de plus de 18 ans doit se présenter à la Commission Nationale de Délivrance des Permis de Conduire (CONADEP). Mais pourquoi tant de retard dans un enjeu vital pour la sécurité routière ? Les files d’attente interminables devant les centres de la CONADEP révèlent un système à bout de souffle, tandis que la date limite permis Congo approche à grands pas.
Derrière l’urgence administrative se cache un mal plus profond : la falsification permis Kinshasa. En avril, un coup de filet a exposé la pourriture : sept faussaires arrêtés pour un réseau mafieux fabriquant permis, vignettes et cartes roses. « Ces criminels jouent avec des vies humaines », tonne un agent de la police routière sous couvert d’anonymat. Combien de permis en circulation sont-ils des faux ? Combien d’accidents mortels causés par des conducteurs incompétents ? La réponse glace le sang dans une capitale où l’opacité des procédures a longtemps fait loi.
Lors du lancement des opérations en novembre 2024, Jean-Pierre Bemba martelait l’objectif central : « Réduire l’hécatombe routière par des examens théoriques et pratiques rigoureux. » Le permis biométrique RDC incarne cette ambition – puce infalsifiable, données sécurisées, traçabilité totale. Mais le défi dépasse la technologie. Comment garantir un accès équitable dans un pays aux infrastructures défaillantes ? Comment éviter que les contrôles permis de conduire ne deviennent une nouvelle arme d’extorsion ?
La CONADEP RDC se veut rassurante : « Tous les moyens sont mobilisés pour accélérer les délivrances », promet un responsable. Pourtant, sur le terrain, les récits divergent. Des conducteurs dénoncent des délais kafkaïens, d’autres des « frais complémentaires » suspects. Cette transition cruelle pose une question fondamentale : la modernisation administrative peut-elle triompher de réflexes clientélistes ancrés ? Alors que le compte à rebours est enclenché, l’enjeu dépasse le simple morceau de plastique. C’est la crédibilité d’une réforme censée sauver des vies qui se joue dans ces derniers jours fiévreux.
Le 30 juin sonnera comme un test pour l’État congolais. Réussira-t-il à imposer cette rupture salutaire, ou la falsification reprendra-t-elle ses droits dans l’impunité ? Entre urgence et défiance, la route vers une conduite sécurisée reste semée d’embûches. Une certitude demeure : chaque permis biométrique délivré dans les règles est une victoire contre l’anarchie routière. Le temps est désormais compté pour écrire cette nouvelle page.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd