Alors que s’intensifient les critiques sur la gestion des initiatives de paix, le porte-parole du gouvernement congolais a opposé un refus catégorique aux appels récurrents pour un dialogue national sur le modèle de celui orchestré par la CENCO en 2016. Patrick Muyaya, lors d’une conférence de presse à Rome, a martelé une thèse implacable : la crise sécuritaire qui déchire l’Est de la RDC trouve son origine dans une « agression rwandaise » matérialisée par la rébellion du M23, et non dans des fractures politiques internes.
« Nous avons un pays voisin qui nous a envahis, qui nous a attaqués, c’est ça l’origine de la crise au départ », a-t-il déclaré avec une fermeté calculée. Cette affirmation, répétée comme un leitmotiv, sert-elle à occulter les défaillances structurelles de l’État congolais ? Le porte-parole balaie l’argument d’un revers de main, soulignant que « le contexte de 2016 n’est pas celui de 2024 », notamment après des élections ayant consacré la légitimité populaire du président Tshisekedi.
« C’est malsain de vouloir se greffer sur une crise d’origine extérieure pour penser qu’on peut revenir d’une autre manière à la table », a-t-il fustigé, visant clairement une opposition politique accusée de boycotter les scrutins pour mieux en contester les résultats.
Dans une rhétorique habilement construite, Muyaya oppose à ces critiques l’image d’un exécutif ouvert au dialogue, brandissant comme preuve la récente rencontre entre Félix Tshisekedi et les évêques de la CENCO et de l’ECC. La mise en place d’une « équipe de travail » conjointe est présentée comme la preuve d’une volonté présidentielle active, bien que son mandat précis reste enveloppé de mystère. Ne s’agit-il là que d’une manœuvre dilatoire face aux pressions internationales croissantes ?
Le porte-parole a également évoqué l’exemple de Martin Fayulu, opposant historique ayant « saisi la main tendue » du chef de l’État. Cette référence ne dissimule qu’à peine un avertissement aux autres factions récalcitrantes : la porte est ouverte, mais à la condition expresse de ne pas remettre en cause le narratif gouvernemental sur les origines du conflit. « Il ne faut pas penser que le processus de Kinshasa doit ignorer l’agression rwandaise », a-t-il insisté, faisant de cette reconnaissance un préalable non-négociable à toute discussion.
Cette position soulève des questions fondamentales sur la stratégie de résolution de crise. En focalisant le débat sur l’implication rwandaise – pourtant documentée par plusieurs rapports d’experts de l’ONU – le gouvernement ne risque-t-il pas de négliger le terreau fertile des griefs locaux que le M23 exploite avec cynisme ? La rébellion, habile dans l’art de jouer des rivalités ethniques et des frustrations régionales, trouve dans ce discours binaire un alibi parfait pour pérenniser son emprise.
L’opposition, quant à elle, se trouve prise au piège de ce cadre narratif. Soit elle endosse la thèse de l’agression externe et valide la ligne présidentielle, soit elle insiste sur les dimensions internes du conflit et s’expose aux accusations de collusion avec l’ennemi. Un dilemme qui pourrait expliquer les divisions persistantes au sein de ses rangs.
La balle est désormais dans le camp du président Tshisekedi. Sa récente ouverture aux leaders religieux démontre-t-elle une réelle inflexion stratégique ou n’est-elle qu’un écran de fumée ? Les prochaines semaines révéleront si le « pacte social » proposé par les églises peut transcender les clivages politiques tout en préservant la souveraineté nationale. Un équilibre aussi périlleux que nécessaire, alors que les provinces de l’Est continuent de sombrer dans une violence qui défie toute solution simpliste.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd