Le cri de détresse résonne dans les bureaux délabrés de Kananga. « Nous continuons d’être marginalisés et traités avec indifférence. Le retard injustifié dans le paiement des primes pour les 25 provinces, ainsi que l’absence de la prime du deuxième trimestre, constituent une violation flagrante de nos droits », lance un représentant du Collectif des inspecteurs et contrôleurs du travail du Kasaï-Central, la voix chargée d’une amertume qui traduit des mois de désillusion.
Ces fonctionnaires, censés être les gardiens des droits sociaux, se retrouvent paradoxalement piégés dans une précarité institutionnalisée. Depuis lundi, leur colère a pris forme dans une déclaration publique exigeant leur intégration définitive dans le fichier de paie régulier de l’État et le paiement immédiat des primes impayées, notamment celles des mois de mars à juin 2025. Comment ces inspecteurs du travail peuvent-ils garantir aux autres le respect de leurs droits alors qu’eux-mêmes sont privés de leurs garanties professionnelles les plus élémentaires ?
Le nœud du conflit réside dans le non-respect des engagements gouvernementaux. Les inspecteurs pointent du doigt un arrêté interministériel signé par les ministères des Finances, du Budget, de l’Emploi et du Travail, devenu lettre morte. Cet instrument juridique, conçu pour structurer leur statut et leurs rémunérations, se heurte à un mur de silence administratif. Pire encore, l’ordonnance n°14.080, particulièrement ses articles 26 à 28 encadrant l’organisation du personnel de l’Inspection générale du travail, serait allègrement bafouée.
La situation illustre un malaise profond qui dépasse la simple question des primes impayées RDC. Elle révèle la fracture entre les promesses de Kinshasa et la réalité vécue par les fonctionnaires de province. Ces inspecteurs du Kasaï-Central, premiers remparts contre les abus en milieu professionnel, se retrouvent réduits à l’impuissance par le système même qu’ils servent. Leur précarité financière mine leur autorité morale et opérationnelle. Peut-on réellement protéger les travailleurs lorsque ses propres agents luttent pour leur survie économique ?
Le collectif juge cette situation « inadmissible », un terme lourd de sens dans un contexte où la dignité professionnelle est mise à mal quotidiennement. Le non-paiement récurrent des primes, élément vital pour des salaires déjà modestes, plonge ces familles dans une incertitude permanente. Cette précarité des fonctionnaires congolais n’est malheureusement pas un cas isolé, mais elle prend ici une dimension particulièrement symbolique : ceux qui font appliquer le Code du travail ne peuvent bénéficier de ses protections.
L’appel lancé à travers cette déclaration est clair : le gouvernement doit prendre des mesures urgentes pour restaurer l’équité. La crédibilité de tout l’appareil de contrôle du travail en RDC est en jeu. Si les inspecteurs du travail du Kasaï-Central restent les oubliés des politiques salariales, comment assurer une protection effective des droits des travailleurs dans cette région ? La résolution de ce conflit dépasse la simple régularisation administrative ; elle touche à la cohérence de l’État de droit et à la confiance des citoyens envers leurs institutions.
Alors que la grogne monte parmi ces inspecteurs travail du Kasaï-Central, leurs revendications mettent en lumière une vérité dérangeante : le développement économique promis passe impérativement par le respect des engagements de l’État envers ses propres agents. L’application de l’ordonnance 14080 et du fameux arrêté interministériel travail n’est pas une faveur, mais une obligation légale dont dépend la stabilité sociale. Dans l’attente, ces fonctionnaires continuent leur mission, un stylo dans une main et une facture impayée dans l’autre, symbole vivant des contradictions qui minent l’administration congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net