Un conflit éclair entre l’Iran et Israël, conclu par une trêve fragile
En moins de deux semaines, l’impensable est arrivé : une guerre ouverte a éclaté entre l’État d’Israël et la République islamique d’Iran, deux ennemis de longue date qui s’affrontaient jusqu’ici par acteurs interposés. Dans la nuit du 12 au 13 juin 2025, l’aviation israélienne a bombardé plusieurs sites stratégiques en Iran – notamment des installations liées au programme nucléaire. En réponse, Téhéran a lancé des salves de missiles et de drones contre des cibles en Israël, frappant notamment Tel-Aviv et Jérusalem. Le bilan humain de cette escalade, bien que difficile à évaluer précisément, est lourd : au moins 430 morts en Iran et environ 25 en Israël après neuf jours de combats. Ces hostilités intenses ont finalement abouti à un cessez-le-feu négocié sous l’égide de Washington et de Doha. Le 24 juin, le président américain Donald Trump a annoncé « la fin de la guerre de douze jours » après un accord de trêve progressive entre les belligérants. Cette annonce inopinée – Trump saluant au passage la « courage et intelligence » des deux nations dans la quête de la paix – reste toutefois fragile, aucune des parties n’ayant pleinement confirmé ses termes à chaud.
Ce conflit éclair Iran-Israël, sans précédent direct depuis la révolution iranienne de 1979, a retenu l’attention du monde entier. Mais qu’en est-il de ses conséquences en Afrique ? Le continent, géographiquement éloigné de ce théâtre moyen-oriental, est-il touché par les répercussions de cette guerre ? Ou bien assiste-t-il en spectateur lointain, relativement épargné ? L’enjeu intéresse particulièrement la République démocratique du Congo (RDC) et ses voisins, à l’heure où la conjoncture économique et sécuritaire africaine est déjà délicate.
Des répercussions limitées selon certains analystes
D’emblée, nombre d’observateurs soulignent que l’Afrique ne figure pas parmi les protagonistes du conflit, ni même parmi les terrains d’affrontement indirect. « Ce qui se passe aura assez peu d’influence sur le continent africain », estime par exemple le chercheur Benjamin Augé, spécialiste Afrique à l’IFRI. Ni l’Iran ni Israël n’ont d’alliances militaires formelles en Afrique susceptibles d’entraîner des pays africains dans la guerre. Les forces armées africaines ne sont pas engagées dans ce conflit et les combats sont restés circonscrits au Moyen-Orient. En outre, l’influence économique directe de ces deux pays en Afrique demeure modeste : l’Iran, sous sanctions internationales depuis des années, y a une présence commerciale limitée, tandis qu’Israël – hormis quelques projets de coopération agricole, technologique ou sécuritaire – n’est pas un partenaire économique majeur de l’Afrique subsaharienne.
Sur le plan diplomatique également, la guerre Iran-Israël n’a pas fondamentalement rebattu les cartes des alliances africaines. Les positions préexistantes de chaque pays ont en grande partie perduré. Ainsi, les États africains ayant récemment normalisé leurs relations avec Israël (tels que le Soudan ou le Tchad) ont évité de se ranger bruyamment d’un côté ou de l’autre : profil bas pour ne pas heurter une opinion publique souvent acquise à la cause palestinienne. À l’inverse, des pays historiquement proches de l’Iran, comme l’Algérie, ont réaffirmé leurs principes sans surprise : Alger a dénoncé une « grave escalade » et insisté sur le respect du droit international, exprimant en creux son soutien à Téhéran. Globalement, aucun gouvernement africain n’a apporté un appui militaire ou logistique à l’une des parties, ni ne s’est totalement démarqué de sa ligne diplomatique habituelle. Cela conforte l’idée d’une influence directe limitée du conflit sur la géopolitique africaine.
Pour autant, « limité » ne veut pas dire nul. En effet, si l’Afrique n’est pas belligérante, elle subit déjà des conséquences indirectes bien réelles, notamment d’ordre économique et social. De plus, la guerre a suscité des réactions et inquiétudes à divers niveaux sur le continent. Il est donc nécessaire de nuancer le tableau : au-delà de l’absence d’implication militaire, la guerre Iran-Israël fait sentir son effet en Afrique, y compris en RDC, par plusieurs canaux.
Choc pétrolier et pression économique sur le continent
Le premier canal de transmission de la crise est sans conteste l’énergie. La perspective d’un conflit majeur impliquant l’Iran – grand exportateur de pétrole brut – et d’un possible blocage du détroit d’Ormuz (par où transite ~20 % du pétrole mondial) a fait flamber les cours du pétrole sur les marchés internationaux. En quelques jours, le baril de Brent a bondi d’environ +8 %, frôlant les 75-80 dollars, et certains analystes n’excluaient pas un envol vers les 110 $ ou plus si le détroit venait à être fermé. Même si la trêve annoncée a entraîné un repli des prix (-2,9 % pour le brut après l’annonce du cessez-le-feu), la volatilité reste de mise. Or, cette envolée de l’or noir se répercute immédiatement sur les économies africaines.
Pour les pays importateurs nets de carburants, majoritaires en Afrique, le choc est synonyme de vie chère. Le Nigéria, pourtant producteur de pétrole mais en déficit de raffinage, l’a clairement souligné : « la paix dans le Golfe persique est aussi notre sécurité énergétique » a rappelé Abuja, qui « ne peut se permettre ni de financer un conflit global, ni d’en subir les contrecoups sans réagir ». Au Ghana, le gouvernement a dû suspendre en urgence une taxe sur les carburants pour amortir la flambée des cours : « C’est la guerre là-bas, mais c’est l’inflation ici », résume le journal Daily Graphic. Autrement dit, chaque centaine de kilomètres parcourue par les camions-citerne depuis les ports pétroliers du Golfe se traduit par quelques francs CFA de plus sur le litre d’essence à la pompe en Afrique de l’Ouest. Au Kenya, un éditorialiste du Daily Nation avertit que « ce n’est pas seulement une guerre au Moyen-Orient, c’est une onde de choc économique qui frappe nos foyers », soulignant qu’à mesure que le baril grimpe, les marges budgétaires des pays importateurs se réduisent tandis que les besoins sociaux explosent.
La RDC, pays au cœur de l’Afrique, ressent particulièrement cette pression. Certes, le Congo-Kinshasa dispose de quelques réserves pétrolières (dans le littoral du Kongo Central notamment), mais il reste un importateur net de produits raffinés et dépendant des cours mondiaux pour ses approvisionnements en carburant. Une analyse congolaise notait qu’en cas d’embrasement durable du Golfe, la première conséquence pour la RDC serait « une hausse significative des prix à la pompe », entraînant une augmentation des coûts de transport des marchandises et une pression inflationniste sur l’ensemble des biens de consommation. Autrement dit, chaque ménage congolais pourrait voir son budget transport et alimentation augmenter, alors même que le pays connaît déjà une inflation non négligeable. En République du Congo voisine (productrice de brut), on a pu se réjouir de recettes pétrolières en hausse à court terme, mais cela ne compense pas l’effet délétère du renchérissement des importations pour la population. En RDC comme ailleurs, le risque est de doper l’inflation et de peser sur la croissance économique. Le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, l’a d’ailleurs rappelé : « Une escalade durable au Moyen-Orient pourrait compromettre la reprise en Afrique » après les chocs du Covid et de l’Ukraine.
Par ailleurs, au-delà du pétrole brut, les frappes israéliennes ont visé aussi des infrastructures gazières iraniennes, provoquant un temps une envolée des cours du gaz naturel liquéfié (GNL). Des pays comme l’Égypte ou l’Algérie, exportateurs de GNL, ont dû calibrer leur réponse en tenant compte de la stabilité de ce marché. En Égypte, on a appelé à « éviter toute escalade » pour préserver les équilibres régionaux, conscient que « toute guerre dans le Golfe menace directement les équilibres déjà fragiles de notre région », notamment via le Sinaï et le canal de Suez. Plus globalement, la hausse des coûts du transport maritime a été un signal d’alarme : les tarifs des tankers entre le Golfe et l’Asie ont grimpé de 40 % au plus fort des tensions, renchérissant mécaniquement les importations africaines de carburant et de biens manufacturés. Les monnaies africaines en ont souffert : le rand sud-africain, déjà volatil, a reculé d’environ 0,4 % face au dollar, fragilisé par la hausse du pétrole et l’aversion au risque des investisseurs. Là encore, l’impact se fait sentir sur le pouvoir d’achat des Africains.
En réaction, certaines capitales ont pris des mesures d’urgence. Outre Accra qui suspend sa taxe carburant, Accra, Abuja ou Nairobi étudient des subventions temporaires ou puisent dans des réserves stratégiques pour lisser les prix. À Accra, « l’heure n’est pas à alourdir le fardeau des Ghanéens », a martelé un ministre ghanéen, justifiant les mesures de soutien. De même, Dakar surveille de près les prix à la pompe – déjà plafonnés par l’État – par crainte de manifestations si une hausse brutale survenait. En somme, l’effet domino économique de la guerre Iran-Israël a bien atteint l’Afrique : sans que le moindre coup de feu n’y soit tiré, le **« feu au Moyen-Orient » pourrait se traduire par « le vide à la pompe » pour reprendre l’expression d’un éditorial ouest-africain.
Réactions officielles : entre prudence, condamnations et silence stratégique
Sur le terrain diplomatique, la guerre Iran-Israël a placé les dirigeants africains face à un exercice d’équilibrisme. Nombre d’entre eux ont opté pour la prudence et les appels à la désescalade, tenant à éviter de prendre part pour un camp au risque de froisser soit leurs partenaires occidentaux, soit leur opinion publique majoritairement pro-palestinienne. Ainsi, le Nigeria a prôné « la retenue de toutes les parties » et un retour au dialogue, rappelant combien « la paix dans le Golfe persique est aussi notre sécurité énergétique ». La Mauritanie, pays arabo-berbère d’Afrique de l’Ouest, a adopté une ligne plus engagée : Nouakchott a condamné fermement les frappes israélo-américaines, y voyant une « violation de la souveraineté iranienne et de l’ordre international ». Le gouvernement mauritanien a même appelé la communauté internationale à agir pour « mettre fin à l’escalade ». Cette position cohérente avec l’identité musulmane du pays a reçu un écho favorable dans la rue : à Nouakchott, des centaines de manifestants sont descendus brandir des drapeaux palestiniens et scandant « De Chinguetti, salutations à Gaza !» ou « Pas de place parmi nous pour les Américains » – mêlant soutien aux civils de Gaza et dénonciation de « l’agression contre l’Iran » dans un même élan panafricaniste.
En Afrique du Nord, les réactions reflètent les alignements géopolitiques régionaux. Comme évoqué, l’Algérie a vivement réagi contre l’intervention américaine aux côtés d’Israël, fidèle à son non-alignement pro-Téhéran. Tunis s’est montré également critique envers les frappes sur l’Iran, en appelant au respect du droit international et à la protection des civils, sans toutefois s’aliéner complètement les Occidentaux (la Tunisie coopère étroitement avec les États-Unis et l’Europe et mesure ses mots). Au Maroc, en revanche, le gouvernement a observé un silence stratégique. Rabat, allié d’Israël depuis les Accords d’Abraham de 2020, n’a aucun intérêt à soutenir Téhéran (avec lequel il a rompu ses relations en 2018 en accusant l’Iran de soutenir militairement le Front Polisario). Mais dans le même temps, le Palais doit tenir compte d’une opinion publique chauffée à blanc : dès le début du conflit, des manifestations anti-israéliennes ont eu lieu dans les rues de Rabat et Casablanca, où l’on a brûlé des effigies de Netanyahou et conspué « l’impérialisme occidental ». Le pouvoir marocain ménage donc la chèvre et le chou : ni approbation des frappes israéliennes, ni critique ouverte de son partenaire, afin de ne pas raviver la colère populaire.
Dans les pays africains ayant normalisé récemment avec Israël, la stratégie a été de garder profil bas. Le Tchad et le Soudan, par exemple, se sont contentés de communiqués généraux appelant à la fin des hostilités, sans mentionner explicitement Israël ni les États-Unis. Ces gouvernements, qui ont tout à gagner de leurs nouveaux liens avec l’État hébreu (coopération sécuritaire, aide économique), évitent de « trancher diplomatiquement » la querelle, de peur d’attiser une opinion publique intérieure traditionnellement pro-palestinienne.
Du côté des poids lourds continentaux, l’attitude a été à la médiation prudente. L’Afrique du Sud, leader du Mouvement des Non-Alignés, s’est dite « profondément préoccupée » et a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Pretoria maintient une position officiellement neutre, appelant au respect de la souveraineté des États et au dialogue. Son non-alignement est toutefois mis à l’épreuve : l’Afrique du Sud entretenait jusqu’ici de bonnes relations tant avec l’Iran (partenaire énergétique potentiel) qu’avec Israël (notamment via la communauté juive sud-africaine). En appelant à la désescalade sans pointer de coupable, Pretoria reste fidèle à sa politique extérieure équilibrée – mais se retrouve assez isolée diplomatiquement, la plupart des pays occidentaux soutenant ouvertement Israël. Le rand sud-africain a par ailleurs pâti de cette incertitude, signe que même la posture diplomatique peut avoir des répercussions économiques concrètes.
Quant à l’Union africaine (UA), censée porter la voix du continent, elle a fait preuve d’une discrétion prolongée qui commence à crisper certains observateurs. Longtemps muette, la Commission de l’UA n’a fini par appeler que tardivement à une « désescalade urgente », sans pour autant convoquer de sommet extraordinaire. Cette inertie a été vertement critiquée par des analystes : l’UA se comporterait en « syndicat de chefs d’État désunis, incapables de parler d’une seule voix quand le monde tremble », déplore l’analyste burkinabè Idrissa Barry. De fait, les divisions entre États (certains proches d’Israël ou des États-Unis, d’autres de l’Iran, d’autres enfin prônant la neutralité) expliquent en partie cette difficulté à adopter une position commune forte. Le nouveau président de la Commission, le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, doit composer avec ces divergences et a préféré la prudence. Néanmoins, aux yeux de nombreux Africains, ce silence contraste avec l’ampleur de la crise internationale.
Opinion publique et jeu d’influences : l’Afrique pas si détachée
Si les chancelleries africaines marchent sur des œufs, les sociétés civiles, elles, ne sont pas restées indifférentes à la guerre Iran-Israël. Sur les réseaux sociaux, dès les premiers jours du conflit, des hashtags tels que #AfricaForPeace ou #StopTheWar ont fleuri de Dakar au Caire. Une jeunesse africaine, connectée et politisée, exprime sa solidarité avec les victimes civiles du conflit et sa colère de voir une nouvelle guerre menacer la stabilité mondiale. « Ce sont encore nos peuples qui paieront le prix d’une guerre qui n’est pas la leur », a alerté l’activiste nigériane Aisha Yesufu dans un tweet largement partagé. À Dakar, la cinéaste Rama Thiaw a fustigé « l’indifférence des élites face aux souffrances populaires » engendrées par les crises internationales. De Lagos à Nairobi, des voix de la société civile exhortent les dirigeants à agir pour la paix ou du moins à prendre des mesures pour protéger les populations des retombées économiques. Ce fossé entre la prudence diplomatique et l’impatience de l’opinion illustre une évolution : l’Afrique, jeune et globalisée, refuse d’être simple spectatrice. Elle réclame d’être partie prenante des débats de sécurité mondiale, d’où la popularité du slogan « Africa for Peace ».
Par ailleurs, le conflit Iran-Israël ravive aussi le jeu des influences étrangères en Afrique. L’Iran, isolé sur la scène mondiale, avait fait de l’Afrique une terre de rapprochement ces dernières années : tournée diplomatique du président Raïssi en 2023 (en Kenya, Ouganda, Zimbabwe), coopération militaire naissante avec certains régimes sahéliens, projets de centres de formation aux drones en Afrique, sans compter l’achat possible d’uranium nigérien par Téhéran évoqué après le coup d’État au Niger. Ce patient tissage de liens pourrait être remis en cause par la guerre. Comme l’analyse Jeune Afrique, l’influence iranienne en Afrique repose beaucoup sur l’aura militaire de la République islamique (armes, drones, formation sécuritaire) faute de véritable poids économique ; si la guerre affaiblit durablement les capacités balistiques et de projection de l’Iran, « sa marge de manœuvre […] notamment en Afrique » en serait fortement réduite. À l’extrême, un changement de régime à Téhéran (que certains à Washington appelaient de leurs vœux) bouleverserait totalement la donne : l’Afrique devrait composer avec un Iran possiblement replié sur lui-même ou aligné différemment, et des partenariats fragiles (comme celui du Burkina Faso avec l’Iran) pourraient s’évaporer.
Du côté d’Israël, qui ces dernières années cherchait à regagner du terrain en Afrique (observateur à l’UA, coopération dans l’agrotech, alliances avec pays africains musulmans via les accords d’Abraham), la guerre a été un test diplomatique. Tel-Aviv a sollicité le soutien – même verbal – de ses partenaires africains, avec un succès mitigé. Seuls les plus proches alliés (par exemple le Rwanda de Paul Kagame, un fidèle de longue date d’Israël) ont exprimé en privé leur compréhension du « droit d’Israël à se défendre contre la menace nucléaire iranienne ». D’autres, comme le Kenya ou l’Éthiopie, ont évité le sujet pour ne pas compromettre leurs relations avec les pays arabes du Golfe ou avec leur propre opinion publique musulmane. En ce sens, la guerre n’a pas réellement renforcé la position diplomatique d’Israël en Afrique – elle a même rappelé les limites de son influence face au réflexe panafricaniste pro-Palestine enraciné sur le continent.
Enfin, sur le plan idéologique, ce conflit alimente en Afrique un discours souverainiste et anti-impérialiste assez prégnant notamment au Sahel. À Niamey, un conseiller du général Tiani (chef de la junte nigérienne) a dénoncé « une escalade impérialiste aux conséquences globales », tandis que la presse d’État défend « le droit des nations à disposer de leurs infrastructures nucléaires sans menace » – un soutien implicite au programme iranien. À Ouagadougou (Burkina Faso), lors de la Journée d’al-Qods (Journée de Jérusalem, célébrée en soutien aux Palestiniens et aux lieux saints musulmans), des figures religieuses chiites locales ont accusé « Israël et ses alliés d’attiser un brasier régional ravagé par l’ingérence », et le quotidien Sidwaya a prévenu que « la guerre au Moyen-Orient pourrait avoir des répercussions sur le panier de la ménagère burkinabè, via une hausse du baril et des importations stratégiques ». Même tonalité au Mali, où un journal pro-gouvernemental alerte sur un « choc énergétique imminent » alors que le pays subit déjà des sanctions régionales. Dans ces pays, la guerre Iran-Israël est lue à travers le prisme d’une lutte plus large contre l’« ordre impérialiste » occidental – une rhétorique que la Russie ne manque pas d’encourager en coulisses. Ainsi, la crise sert les discours souverainistes des juntes sahéliennes, tout en rappelant leur dépendance pratique aux partenaires stratégiques (achats d’armes, coopération nucléaire) qui pourraient être affaiblis par le conflit.
Et pour la RDC, quelle leçon tirer ?
Au final, pour la RDC et ses citoyens, la guerre Iran-Israël se traduit moins par des repositionnements diplomatiques que par des effets collatéraux concrets sur la vie quotidienne et l’environnement stratégique. Kinshasa n’a pas de contentieux particulier ni avec Téhéran ni avec Tel-Aviv, et le gouvernement congolais s’est aligné sur la position africaine générale appelant à la retenue et au respect de la paix internationale. L’attention des autorités congolaises reste d’abord focalisée sur les défis internes et régionaux : l’insécurité à l’Est (groupes armés et tensions avec le Rwanda), les préparatifs électoraux, la relance économique… Dans ce contexte, une guerre lointaine pourrait sembler secondaire. Cependant, les conséquences économiques globales n’épargnent pas la RDC. La flambée du coût des carburants, si elle se prolongeait, risquerait d’aggraver l’inflation déjà ressentie sur les produits de première nécessité. Le gouvernement congolais pourrait se voir contraint de subventionner davantage les carburants ou le maïs importé pour contenir la grogne sociale, ce qui pèserait sur des finances publiques fragiles.
Sur le plan diplomatique, la RDC – membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU en 2025 – aura peut-être à se prononcer dans les enceintes internationales sur ce conflit. Fidèle à sa tradition non-alignée, Kinshasa soutiendra sans doute les appels à respecter la souveraineté de l’Iran tout en défendant le droit d’Israël à exister en sécurité, et surtout en insistant sur le besoin de protéger les civils. Une guerre de plus au Proche-Orient n’est pas dans l’intérêt de l’Afrique, et la RDC le fera valoir, elle qui connaît la douleur des conflits prolongés sur son propre sol. Le président Félix Tshisekedi, lors de ses interventions internationales, pourrait ainsi souligner l’importance de renforcer le multilatéralisme pour prévenir ce type de crises, tout en invitant les partenaires du Congo (USA, UE, Chine, Russie…) à ne pas détourner leur attention de la situation en Afrique centrale à cause des turbulences ailleurs.
En définitive, la « guerre de douze jours » entre Israël et l’Iran aura davantage secoué les marchés et les esprits en Afrique que les rapports de force politiques. Elle rappelle aux Africains leur vulnérabilité face aux chocs externes, mais aussi l’urgence de s’affranchir de certaines dépendances (énergétiques notamment) pour ne plus être les victimes collatérales des conflits d’autrui. Comme le résume une activiste : « Nos peuples n’ont pas à payer le prix des guerres des autres ». Ce conflit pourrait ainsi renforcer la détermination africaine à diversifier ses partenaires et à élever une voix plus unie sur la scène internationale. L’Afrique ne veut plus être la variable d’ajustement du désordre mondial : que ce soit en RDC ou ailleurs, beaucoup aspirent à ce que le continent gagne en autonomie et en influence pour traverser, indemne autant que possible, les tempêtes géopolitiques à venir.
Sources : Le Point Afrique, Reuters, RFI, Jeune Afrique, SenePlus, Al Jazeera…