Dans un entretien accordé à Washington, Barnabé Kikaya Bin Karubi, figure éminente de l’opposition congolaise, a vigoureusement rejeté les allégations du régime Tshisekedi accusant Joseph Kabila de collusion avec le Rwanda dans le soutien à la rébellion M23. Ces accusations Rwanda RDC, selon lui, ne seraient qu’une manœuvre politique destinée à discréditer l’ancien chef de l’État auprès de l’opinion. « Je ne pense pas que le président Joseph Kabila soutienne le Rwanda. Le Rwanda se trouve être notre voisin et il le sera toujours », a-t-il affirmé, qualifiant la question d’inutile voire superflue.
Kikaya s’est notamment insurgé contre le traitement réservé à Kabila, dont l’immunité parlementaire a été levée par un vote écrasant du Sénat – 88 voix pour sur 96. Un acte qui, selon lui, transforme la crise sécuritaire Est Congo en instrument de règlement de comptes. « Comment voulez-vous qu’un ancien Président harcelé matin, midi et soir […] puisse se sentir à l’aise ? Le seul endroit où il peut se réfugier, c’est dans la partie orientale », a-t-il justifié, faisant explicitement référence à la présence controversée de Kabila à M23 Goma.
Lors de cette Barnabé Kikaya interview, l’ancien diplomate a opéré un rapprochement audacieux entre la lutte du M23 et celle de l’opposition kabiliste. « La rébellion combat une dictature et une tyrannie. C’est là où nous nous rencontrons », a-t-il déclaré, comparant le mouvement armé à l’opposition « non armée » convergeant vers Kabila. Un parallèle qui interroge : s’agit-il d’une reconnaissance tacite de la légitimité des insurgés ou d’une stratégie rhétorique pour délégitimer Kinshasa ?
La levée de l’immunité de Kabila ouvre désormais la voie à des poursuites judiciaires pour « trahison » et « participation à un mouvement insurrectionnel ». Le sénateur à vie est accusé d’avoir entretenu des « intelligences » avec le Rwanda et le M23, des charges pénales gravissimes incluant la complicité de crimes de guerre. Pourtant, Kikaya persiste : « Goma que je sache c’est toujours au Congo ». Cette défense soulève une contradiction troublante – comment un symbole de souveraineté nationale peut-il être contrôlé par des forces accusées de servir des intérêts étrangers ?
Les implications de cette affaire dépassent le cadre judiciaire. La Joseph Kabila immunité désormais levée place l’ex-président dans une position de vulnérabilité inédite, tandis que le pouvoir actuel y voit une validation de sa lutte contre « l’ingérence rwandaise ». Toutefois, cette victoire politique est-elle sans risques ? En criminalisant l’opposition, le régime ne nourrit-il pas le cycle de violence qu’il prétend combattre ? La référence de Kikaya aux mercenaires de Tshisekedi « partis la queue entre les pattes » après la bataille de Goma illustre cette polarisation mortifère.
L’Est congolais reste l’otage de ces calculs politico-militaires. Alors que le M23 consolide son emprise, la rhétorique de Kikaya brouille les lignes entre résistance politique et soutien à l’insurrection. Son plaidoyer transforme Goma en sanctuaire paradoxal : un havre pour un président accusé de trahison, au cœur même de la zone contrôlée par ses présumés alliés. La suite dépendra des preuves apportées par la justice militaire – mais dans un pays où le droit cède souvent à la raison d’État, ce procès annoncé pourrait bien sceller l’avenir de la réconciliation nationale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd