Une onde de stupeur traverse la scène culturelle congolaise ce lundi matin. Abraham Kaputu Mungamba, ce géant au rire contagieux dont la silhouette patriarcale incarnait l’âme du groupe Tuma-Haut, a tiré sa révérence dans la nuit du 22 juin. À l’hôpital militaire de Kokolo, ce cœur qui faisait battre le tempo de l’humour national s’est arrêté pour toujours, emporté par une crise cardiaque à l’âge de 57 ans. Comment la scène artistique congolaise pourra-t-elle jamais combler ce vide abyssal ?
La nouvelle, transmise par l’Agence Congolaise de Presse, a été confirmée par une voix brisée par l’émotion. « Je suis dans la douleur de vous annoncer la mort de notre très cher ami », a déclaré Barnabé Mubenga, compagnon de scène du défunt. Dans les ruelles de Bandalungwa où résonnait jadis son rire tonitruant, c’est désormais un silence lourd qui s’installe.
Né en 1968, Abraham Kaputu avait tissé sa légende au sein du mythique collectif Tuma-Haut, aux côtés de Commandant Ngi et de feu Mbuta Bombas. Ensemble, ils ont électrisé le Théâtre de Verdure, enflammé la Halle de la Gombe et conquis jusqu’au Parlement du rire d’Abidjan. Leur alchimie unique, mélange détonant de satire sociale et de comédie physique, capturait l’essence même de la culture congolaise. Qui n’a pas vibré devant leurs joutes verbales, ces dialogues ciselés où le lingla épousait le français dans une danse linguistique virtuose ?
Kaputu se distinguait par une présence scénique quasi-biblique : sa barbe fleurie, ses tuniques amples évoquant les prophètes anciens, contrastant avec un humour résolument moderne. Cet équilibre parfait entre tradition et contemporanéité faisait de lui un passeur culturel. Son génie ? Transformer les tribulations du quotidien kinois en comédie universelle, offrant au public congolais ce miroir déformant où se reconnaître en souriant.
La disparition d’Abraham Kaputu sonne comme un glas pour toute une époque. Après le départ de Mbuta Bombas en 2016, c’est un nouveau pilier de l’humour national qui s’effondre. Le groupe Tuma-Haut, autrefois machine à rire implacable, voit son histoire se transformer en nécrologie artiste RDC. Quel héritage laisse-t-il ? Une leçon magistrale : que le rire peut être à la fois rempart contre les tempêtes et ciment identitaire.
Ce soir, sur les berges du Pool Malebo, les lumières semblent plus pâles. La culture congolaise vient de perdre l’un de ses phares les plus brillants. Mais dans les éclats de rire qu’il a semés aux quatre coins du pays, dans ces instants de grâce où toute une nation oubliait ses peines, Abraham Kaputu demeure immortel. Son départ n’est qu’un au revoir, car comment imaginer que cet artisan de la joie cesse jamais de nous faire sourire ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc