Dans les camps de déplacés de Goma, où des milliers de femmes survivent dans des conditions précaires depuis la prise de la ville par des groupes armés, le Consortium de solidarité humanitaire féministe (CSH-RDC) apporte des solutions concrètes. « Hier, j’ai reçu des kits d’hygiène et un accompagnement psychologique après mon viol », confie Mukambu, 24 ans, les yeux rivés sur sa fille malnutrie. Cette scène quotidienne symbolise l’urgence qui a poussé des organisations congolaises à lancer une initiative de diplomatie citoyenne sans précédent, en réponse à l’effroyable crise sécuritaire dans l’est de la RDC.
Comment répondre à une crise multidimensionnelle qui a jeté sur les routes plus de 6,9 millions de déplacés selon le HCR ? Le CSH-RDC, coordonné par des figures comme Anny T. Modi, experte en genre, propose une approche radicale : placer les femmes non comme victimes passives, mais comme architectes actives de la résilience. Dans les zones les plus dangereuses du Kivu, leurs équipes mènent des interventions ciblées en santé reproductive, soutien psychosocial et éducation des filles, tout en luttant contre les mariages forcés. Une nécessité vitale quand on sait que 48% des survivantes de violences sexuelles dans ces régions sont des adolescentes.
Cette initiative féministe au Congo dépasse largement l’action humanitaire. Elle orchestre un plaidoyer transnational audacieux, de Kinshasa à Washington en passant par l’ONU à New York. Leur combat ? Imposer l’application des résolutions 1325 et 2250 du Conseil de sécurité qui exigent la participation des femmes aux processus de paix. « Les négociations actuelles excluent systématiquement celles qui subissent le plus les conséquences des conflits », dénonce une membre du consortium à Genève. Leur diplomatie citoyenne en RDC frappe aux portes de l’Union africaine, de l’UE et des gouvernements occidentaux pour exiger des tables de négociations inclusives.
L’approche est révolutionnaire : elle lie urgence humanitaire et stratégie politique. D’un côté, dans l’est ravagé par la crise sécuritaire, elles créent des coopératives agricoles et forment à l’entrepreneuriat féminin. « Sans autonomie économique, aucune paix n’est durable », explique Anny T. Modi. De l’autre, elles transforment les survivantes en ambassadrices, comme à Nairobi où des déplacées ont témoigné devant des diplomates. Cette inclusion des femmes dans le processus paix devient leur cheval de bataille face à l’immobilisme politique.
Le consortium solidarité humanitaire féministe incarne ainsi une alternative crédible aux mécanismes traditionnels. Mais leur combat se heurte à des défis colossaux : comment protéger leurs équipes sur un terrain miné par les groupes armés ? Comment faire entendre les voix locales dans les arènes internationales dominées par les logiques de pouvoir ? La réponse tient peut-être dans cette conviction portée par les activistes : « Les femmes congolaises ne mendient pas la paix, elles la construisent déjà dans l’ombre. Leur résistance quotidienne est un acte politique ». Alors que la communauté internationale tergiverse, cette diplomatie par le bas dessine les contours d’une reconstruction ancrée dans la justice sociale – à condition qu’on lui en donne les moyens.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
