Dans un contexte où la fracture numérique mine le développement de la République Démocratique du Congo, le chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi a adressé un rappel cinglant à son gouvernement lors du conseil des ministres du 20 juin 2025. Réuni à la Cité de l’Union Africaine, l’exécutif s’est vu enjoindre d’accélérer drastiquement la réduction des disparités d’accès au numérique, véritable talon d’Achille de l’économie congolaise. Le président a souligné avec force que rendre internet accessible à la majorité de la population, particulièrement dans les zones reculées, constitue une priorité stratégique non-négociable.
Les chiffres avancés par le locataire du Palais de la Nation révèlent l’ampleur du défi : à peine 30,79% des Congolais bénéficient d’un accès internet mobile et moins de 0,02% disposent d’une connexion fixe selon les données 2023 de l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications. Comment, dans ces conditions, prétendre à une insertion dans l’économie numérique mondiale ? Le constat est d’autant plus accablant que le déploiement des infrastructures terrestres nécessiterait près de 50 millions de kilomètres de réseau supplémentaire – un chantier pharaonique dans un pays aux contraintes géographiques immenses.
« Des mesures fiscales et parafiscales incitatives idoines doivent être proposées et rapidement adoptées notamment pour faciliter l’importation des équipements et réduire le coût du service »
Face à cette urgence, Tshisekedi mise sur une solution audacieuse : contourner les limitations terrestres par des partenariats satellitaires. Les projets Monaco-Sat et Starlink sont explicitement cités comme leviers pour « redéfinir la place de la RDC dans l’économie mondiale ». Une approche qui s’inscrit dans le cadre du Plan National Numérique Horizon 2025, feuille de route censée transformer la société congolaise en véritable société de l’information. Mais cette vision se heurte à un écueil majeur : la lenteur bureaucratique. Le président a ainsi tacitément critiqué les « barrières légales et réglementaires » qui entravent ces initiatives pourtant vitales.
La politique numérique de Tshisekedi dépasse la simple connectivité. Elle ambitionne de faire du numérique congolais « un levier d’intégration, de bonne gouvernance, de croissance économique et de progrès social ». Les quatre piliers du PNN – infrastructures, contenus, usages applicatifs, gouvernance – visent ni plus ni moins qu’une révolution sociétale. Pourquoi alors les avancées restent-elles si timides ? La réponse tient peut-être dans le hiatus entre les ambitions affichées et les moyens déployés. Stimuler l’économie numérique implique des réformes structurelles courageuses, notamment dans la facilitation des investissements étrangers et la modernisation des services publics, encore largement analogiques.
À travers ce coup de semonce, le chef de l’État teste la capacité de sa Première ministre et des ministres concernés à traduire en actes une vision dont le succès conditionne l’avenir économique du pays. Les partenariats satellitaires pourraient bien devenir la pierre angulaire de cette stratégie, à condition que l’État congolais sache créer l’environnement réglementaire et fiscal propice. Le défi est de taille : combler le retard numérique tout en évitant que la RDC ne devienne une simple colonie digitale des géants technologiques internationaux. L’équation est complexe, mais l’inaction n’est plus une option si le Congo veut saisir sa place dans l’économie du XXIe siècle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd