Morsure de serpent : ne cédez pas à la panique, agissez avec sagesse
Cher lecteur, chère lectrice, dans nos belles contrées de la République Démocratique du Congo, les rencontres inopinées avec des serpents font malheureusement partie des réalités quotidiennes, surtout en zone rurale. Une morsure survient souvent lors des travaux champêtres, de la cueillette ou simplement en marchant dans les hautes herbes. Si ce sujet vous inquiète, permettez-moi de vous accompagner pas à pas : connaître les bons réflexes peut sauver une vie.
Ce qu’il faut absolument éviter (les erreurs dangereuses)
Face à une morsure de serpent, certaines croyances populaires peuvent aggraver la situation :
- Ne tentez pas d’aspirer le venin avec votre bouche : cela risque d’introduire des bactéries et n’élimine pratiquement pas le venin.
- N’incisez pas la plaie : cette pratique ancestrale augmente les saignements et les risques d’infection.
- Évitez les garrots trop serrés : couper complètement la circulation sanguine peut causer des nécroses (mort des tissus) en quelques heures.
- Ne donnez ni alcool ni médicaments traditionnels sans avis médical : cela peut interagir dangereusement avec le venin.
- Ne capturez pas le serpent pour l’identifier : risquer une seconde morsure n’en vaut pas la peine.
Les 5 gestes qui sauvent : la méthode PAS (Protéger, Alerter, Secourir)
1. Protégez la victime et vous-même
Éloignez-vous immédiatement du serpent (au moins 5 mètres). Allongez la personne mordue et demandez-lui de rester calme. Le stress accélère le rythme cardiaque et diffuse le venin plus vite dans le corps – comme une goutte d’encre dans l’eau qui se propage davantage quand on remue. Retirez délicatement bijoux, montres et vêtements serrés autour de la morsure avant que l’œdème (gonflement) ne s’installe.
2. Immobilisez la zone touchée
Utilisez un tissu, une écharpe ou un pagne pour fabriquer une attelle improvisée. Si la morsure est sur une jambe, fixez-la à l’autre jambe avec des liens souples. Pour un bras, faites un bandage en écharpe contre le torse. Imaginez que le membre atteint est comme une branche cassée qu’il faut soutenir pour éviter qu’elle ne se brise davantage.
3. Nettoyez soigneusement la plaie
Lavez abondamment à l’eau propre et au savon ordinaire (le savon de ménage convient parfaitement). Rincez pendant 10 minutes minimum. Cette étape cruciale réduit les risques d’infection et élimine les résidus de venin en surface. N’appliquez ni glace, ni feuilles médicinales, ni cendre sur la plaie.
4. Alertez les secours sans délai
Composez le 118 (numéro d’urgence en RDC) ou contactez le centre de santé le plus proche. Indiquez clairement :
- L’heure exacte de la morsure
- La localisation de la morsure (membre, torse…)
- Tout symptôme observé (douleur intense, vomissements, vision trouble)
- Si possible, décrivez le serpent (couleur, taille, forme de la tête)
5. Transportez intelligemment
Si vous devez vous déplacer vers un centre médical :
- Portez la victime plutôt qu’elle ne marche
- Maintenez la zone mordue en dessous du niveau du cœur pour ralentir la diffusion du venin
- Hydratez la personne avec de l’eau propre si elle est consciente
À l’hôpital : ce qui vous attend
Dans nos structures sanitaires congolaises, le médecin évaluera d’abord la gravité. Ne soyez pas surpris si tous les morsures ne reçoivent pas d’antivenin – son usage est réservé aux envenimations sévères. Le traitement comprend généralement :
- Une vaccination antitétanique
- Des antibiotiques contre les infections
- Des antalgiques pour la douleur
- Une surveillance des fonctions vitales
- Dans les centres spécialisés (comme l’INRB à Kinshasa), l’antivenin adapté aux serpents locaux (cobras, vipères, mambas) sera administré si nécessaire
La prévention : votre meilleure alliée
Pour réduire les risques au quotidien :
- Portez des bottes en caoutchouc et des pantalons épais dans les herbes hautes
- Utilisez un bâton pour fouiller les buissons avant de mettre les mains
- Équipez-vous d’une lampe torche la nuit
- Débroussaillez régulièrement autour des habitations
- Surveillez les enfants près des tas de bois ou de pierres
Un message d’espoir
Bien que la peur soit naturelle, sachez que toutes les morsures ne sont pas mortelles. Avec des gestes appropriés et une prise en charge rapide, la majorité des victimes s’en sortent sans séquelles. J’ai moi-même vu des patients arriver à l’hôpital dans un état critique et repartir guéris grâce à une action coordonnée. Votre sang-froid et votre connaissance de ces mesures font toute la différence. Partagez ces informations autour de vous – dans nos villages comme dans nos villes, cette connaissance collective peut devenir un bouclier précieux.
Votre santé, chers compatriotes, est notre trésor commun. Prenez-en soin avec vigilance et sérénité.
Dr. Credo Kilongozi, Médecin directeur au CAMUREL Lubumbashi