Genève a été le théâtre d’une révélation accablante lors de la 59ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, y a présenté lundi dernier les conclusions préliminaires de la mission d’établissement des faits concernant l’Est de la République Démocratique du Congo, qualifiant les violations et atteintes aux droits humains observées de « d’une ampleur et étendue effroyables ». Ce diagnostic sans concession souligne la gravité persistante de la crise sécuritaire dans cette région en proie à des conflits armés récurrents.
Dans un développement parallèle suscitant l’inquiétude, l’organisation non gouvernementale internationale Human Rights Watch (HRW) a exprimé, dans un communiqué daté du mardi 17 juin, de vives préoccupations quant au report de la mise en place effective de la commission d’enquête sur les abus commis par les parties belligérantes. Initialement attendue, cette instance cruciale ne verrait le jour qu’en 2026, un délai attribué par le Haut-Commissariat à une crise financière interne affectant l’Organisation des Nations Unies.
Clémentine de Montjoye, représentante de HRW, a souligné les risques majeurs inhérents à ce report : « Cela risque d’engendrer de graves lacunes en matière de protection, et constitue un revers majeur pour la documentation des abus commis dans l’est de la RD Congo, qui fait cruellement défaut ». Elle a particulièrement insisté sur le contexte actuel où « le M23 et d’autres parties au conflit répriment de plus en plus les groupes de la société civile et les médias », rendant d’autant plus urgente une documentation indépendante et rigoureuse des violations. Ce report de la commission d’enquête ONU compromet ainsi gravement les efforts de redevabilité dans une région où l’impunité demeure la norme.
La mission reportée revêt pourtant une importance capitale. Son mandat consiste explicitement à « recueillir et conserver des preuves, à identifier les responsables d’abus graves et à soutenir les efforts visant à les traduire en justice » pour les événements survenus depuis janvier 2022 jusqu’à la finalisation de son rapport complet. Human Rights Watch a fermement rappelé que cette démarche représente « une étape essentielle pour mettre fin à l’impunité » qui prévaut dans l’Est congolais, soulignant que « la crise financière sans précédent que traverse l’ONU n’est pas une question de calculs financiers abstraits ; elle aura un impact réel sur la vie des personnes en danger ».
Les menaces pesant sur la liberté d’information et le travail humanitaire ont été un autre volet sombre du rapport préliminaire présenté par Volker Türk. Il a révélé que « les autorités de la RDC ont suspendu les accréditations de presse et menacé de poursuites judiciaires les journalistes et autres personnes dont les reportages sont considérés comme favorables au M23 et aux forces rwandaises ». Ces menaces contre les journalistes au Congo créent un climat de peur entravant gravement le droit à l’information. Les travailleurs de la santé et de l’aide humanitaire ne sont pas épargnés, confrontés eux aussi à « des menaces, des intimidations et des violences » constantes dans l’exercice de leurs fonctions vitales.
Cette situation sécuritaire et politique délétère se conjugue à un autre défi majeur : des « réductions importantes du financement humanitaire international ». Le Haut-Commissaire a mis en garde contre les conséquences sanitaires désastreuses de cette double peine, avertissant qu’elle « risque de propager des maladies évitables, notamment la polio et la rougeole, bien au-delà des frontières de la RDC ». Cette alerte souligne l’ampleur transnationale de la crise humanitaire dans l’Est-Congo et l’urgence d’une réponse coordonnée et suffisamment financée.
Le report de la commission d’enquête internationale, couplé aux restrictions croissantes imposées aux observateurs indépendants et aux acteurs humanitaires, laisse présager une période sombre pour la protection des civils et la lutte contre l’impunité dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Comment assurer la justice pour les victimes innombrables lorsque les mécanismes clés de documentation et d’enquête sont fragilisés ? La communauté internationale parviendra-t-elle à surmonter ses contraintes financières pour répondre à l’urgence des violations des droits humains en RDC ? L’avenir immédiat des populations civiles prises au piège du conflit dépendra des réponses apportées à ces interrogations pressantes.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd