Alors que les balles sifflent dans le Nord-Kivu, une autre bataille silencieuse se joue dans les centres de santé de Masisi : la campagne vaccination rougeole Nord-Kivu menée par Médecins Sans Frontières et le ministère de la Santé congolais a immunisé plus de 100 000 enfants âgés de 6 à 59 mois depuis début juin. Une intervention vitale dans une région où l’épidémie rougeole RDC a déjà fait quatre morts officiels cette année, un chiffre probablement sous-estimé selon les humanitaires.
Comment une maladie évitable par vaccin continue-t-elle de ravager la RDC ? La réponse tient en deux mots : couverture vaccinale et insécurité chronique. Avec plus de 27 000 cas enregistrés à travers le pays depuis janvier – dont un cinquième concentré dans le Nord-Kivu – la rougeole profite des lacunes d’un système de santé fragilisé. À Masisi, zone épicentre de l’épidémie, MSF Masisi santé a déjà pris en charge 1 158 patients, près d’un quart nécessitant une hospitalisation d’urgence.
La malnutrition conflit Kivu agit comme un accélérateur mortel. « Un enfant malnutri a jusqu’à trois fois plus de risques de mourir de la rougeole », explique un coordinateur médical sur place. Les déplacements massifs de population fuyant les combats entre le M23 et les FARDC ont provoqué une flambée des carences alimentaires, rendant les jeunes organismes vulnérables à cette infection virale hautement contagieuse. MSF a donc intégré le dépistage nutritionnel dans sa campagne, soignant simultanément les deux fléaux.
La vaccination enfants zones de guerre relève du parcours du combattant. L’hôpital général de Masisi, soutenu par MSF, a été touché par des tirs à plusieurs reprises en 2024. Deux employés de l’ONG ont péri dans cette tourmente. « Travailler ici demande des adaptations constantes », témoigne une infirmière. Des équipes mobiles sillonnent les villages accessibles, des chaînes du froid spéciales préservent les vaccins malgré les coupures d’électricité, et des sensibilisations communautaires tentent de lutter contre la défiance.
Atteindre le seuil d’immunité collective de 95% semble pourtant un mirage dans ce contexte. Comment convaincre les mères de faire vacciner leurs enfants quand il faut traverser des zones de combat ? MSF mise sur la proximité : « Nous installons des points de vaccination dans les écoles, les marchés et même les sites de déplacés », détaille un responsable. L’ONG a déjà vacciné 1,2 million d’enfants congolais en 2024 – un chiffre qui souligne l’ampleur de la crise sanitaire nationale.
La rougeole agit comme un révélateur implacable : là où les systèmes de santé faiblissent et où les conflits chassent les populations, les épidémies prospèrent. Chaque enfant non vacciné devient un maillon potentiel dans cette chaîne de transmission. Alors que les violences persistent au Nord-Kivu, cette campagne reste une course contre la montre où chaque injection sauve des vies. Mais sans paix durable et sans renforcement des structures sanitaires locales, les humanitaires ne pourront qu’éteindre des feux, sans jamais prévenir l’allumage des prochaines braises épidémiques.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd