La chambre du conseil du tribunal correctionnel de Bruxelles a enregistré ce mardi la décision du parquet fédéral belge demandant le renvoi d’Étienne Davignon devant la juridiction répressive. Cette procédure exceptionnelle concerne l’implication présumée dans l’assassinat de Patrice Émery Lumumba, premier Premier ministre du Congo indépendant, exécuté le 17 janvier 1961 au Katanga.
Dans un communiqué transmis par leurs conseils juridiques, les héritiers Lumumba ont qualifié cette évolution de « moment historique ». Pour la première fois, des faits liés à l’élimination d’un dirigeant africain par une ancienne puissance coloniale pourraient faire l’objet d’un examen judiciaire public. Qui donc pouvait imaginer, six décennies après les événements, qu’un tel dossier serait rouvert avec une telle intensité procédurale ?
Il a été acté lors de l’audience que M. Davignon, ancien haut fonctionnaire belge aux Affaires africaines, présenterait des arguments écrits pour contester son renvoi. Cette demande de complément d’enquête a conduit au report de l’affaire au 20 janvier 2026, prolongeant d’autant l’attente de la famille plaignante.
Rappelons que la plainte pénale initiale avait été déposée le 23 juin 2011, visant spécifiquement à établir les responsabilités dans ce crime commis durant la période chaotique de la déstabilisation postcoloniale. Les investigations se concentrent sur le rôle des autorités belges dans le contexte des ingérences étrangères ayant conduit à l’élimination physique du leader congolais.
Les avocats des requérants ont souligné que leurs clients ne recherchent « ni compensation financière, ni revanche », mais exclusivement « la vérité et la justice ». Leur objectif déclaré est de « briser les silences » entourant ce crime colonial au Congo, d’identifier clairement les chaînes de responsabilité et de provoquer un débat sociétal sur l’héritage de cette période troublée.
Cette avancée procédurale survient après la restitution officielle, en juin 2022, d’une relique de Patrice Lumumba à sa famille. Cette décision rendue par une magistrate belge, avec l’appui du parquet fédéral, avait déjà constitué une étape symbolique importante dans le long processus de deuil des ayants droit. Comment ne pas voir dans ces développements successifs la lente mais persistante avancée vers une forme de reconnaissance judiciaire ?
Le parquet fédéral belge, par cette demande de renvoi, ouvre potentiellement la voie à un procès qui examinerait des aspects méconnus de la complicité présumée d’agents de l’État dans l’assassinat. Les éléments du dossier pourraient révéler des mécanismes de prise de décision au plus haut niveau de l’appareil d’État belge durant la crise congolaise.
L’analyse des pièces d’instruction devrait particulièrement se pencher sur les circonstances ayant conduit au transfert de Lumumba vers le Katanga sécessionniste, où il fut exécuté avec deux de ses compagnons. Des documents d’archives récemment déclassifiés pourraient éclairer le rôle exact des différentes parties impliquées dans cette affaire Lumumba en Belgique.
Alors que la procédure suit son cours, les observateurs s’interrogent : ce procès historique marquera-t-il un tournant dans la reconnaissance des crimes coloniaux ? La réponse judiciaire, quelle qu’elle soit, constituera un précédent significatif dans l’examen des responsabilités historiques des anciennes puissances coloniales en Afrique.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd