Sous les hauts plafonds du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, une atmosphère électrique accueillait ce mardi 17 juin la présentation de deux ouvrages qui font trembler les certitudes. Honoré Gbende wa Mbenga, inspecteur général adjoint à l’Éducation nationale et plume acérée, dévoilait au public congolais deux récits littéraires où la fiction rejoint cruellement la réalité nationale. Dans l’air chargé d’émotion, chaque page tournée semblait faire écho aux murmures de la ville-monde.
Son premier livre, « Promotion », frappe comme un coup de tonnerre dans le paysage des livres congolais. Gbende y dénonce avec une précision chirurgicale ces « arnaqueurs en costume » qui monnaient les espoirs professionnels. « Il y a des hommes et des femmes qui proposent des postes d’emploi moyennant des enveloppes salées », confie l’auteur, sa voix portant le poids de mille témoignages étouffés. Ce roman devient ainsi une arme littéraire contre la corruption des promotions en RDC, dépeignant un système où la méritocratie s’efface devant la logique du portefeuille.
Puis vient « Désagrégation et ensauvagement », mince par le volume – 118 pages seulement – mais d’une densité sismique. L’écrivain y trace le parcours glaçant d’un homme droit que la prison transforme en bête fauve. N’est-ce pas là le reflet de notre propre fragilité collective ? À travers cette descente aux enfers, Gbende interroge les frontières ténues séparant l’humanité de la sauvagerie, dans une prose où chaque mot saigne la vérité des quartiers oubliés de Kinshasa.
Cette présentation d’ouvrages à Kinshasa prend des allures de manifeste politique. L’inspecteur de l’Éducation, par sa double casquette, semble nous demander : jusqu’où l’institution peut-elle résister à la pourriture systémique ? Sa littérature engagée au Congo transcende le simple récit pour devenir acte de résistance, mêlant la poésie des ruelles à la crudité des réalités socio-économiques. Les livres congolais portent désormais cette exigence nouvelle : dire l’indicible.
La force de Gbende réside dans cette alchimie entre l’observation administrative et la sensibilité du romancier. Comme si Frantz Fanon avait rencontré Sony Labou Tansi dans les couloirs du ministère. Son écriture – à la fois couteau et baume – révèle comment la corruption des promotions en RDC ne se contente pas de vider les caisses, mais corrode l’âme même de la nation. Ces deux œuvres, telles des jumelles inséparables, forment un diptyque implacable sur les mécanismes de l’effondrement et la résilience humaine.
Que reste-t-il de l’humain lorsque toutes les digues cèdent ? La présentation de ces livres congolais au CWB ne marque pas seulement un événement culturel, mais un jalon dans la littérature engagée du Congo. Dans l’obscurité des salles de lecture, entre les lignes de « Désagrégation et ensauvagement », scintille pourtant une lueur : celle de la parole libérée, ce premier rempart contre la barbarie. Honoré Gbende wa Mbenga aura réussi ce pari audacieux : transformer l’encre en miroir, et le miroir en arme.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
