Le centre de santé de Kainama, unique structure médicale dans un rayon de plus de 100 km au nord-est de Beni, lutte pour sa survie depuis six mois. Cette crise sanitaire silencieuse plonge des milliers d’habitants du Nord-Kivu dans une vulnérabilité extrême, avec une pénurie alarmante de médicaments essentiels et un abandon quasi-total des autorités. Comment une région entière peut-elle ainsi être privée de soins vitaux ?
Denis Mumbere Tibasima, infirmier titulaire du centre, décrit une situation digne d’une urgence humanitaire : “Nous manquons de tout, des antipaludéens aux antibiotiques. Des maladies comme le paludisme, la diarrhée ou la pneumonie, pourtant traitables, deviennent des condamnations.” Cette pénurie de médicaments à Beni et ses environs transforme des pathologies courantes en drames évitables. Imaginez un hôpital sans aspirine ni désinfectant : c’est la réalité quotidienne de ce centre santé Nord-Kivu.
Les femmes enceintes paient le prix fort de cette déliquescence. Privées de soins gratuits maternité RDC, elles parcourent jusqu’à 50 km vers Tchabi ou Boga en territoire d’Irumu, un périple dangereux sur des routes peu sûres. “Accoucher sans assistance médicale ici, c’est jouer à la roulette russe”, confie une habitante croisée aux abords du centre déserté. Cette crise sanitaire à Kainama frappe particulièrement les déplacés de retour, population majoritaire vivant sous le seuil de pauvreté et incapable de financer des consultations.
Le dernier soutien remonte à plus d’un an : une modeste dotation en matelas et médicaments de l’église Ushindi Ministry de Bunia. Depuis, plus aucune ONG ni institution publique n’a secouru ce centre pourtant vital. Mumbere lance un appel poignant : “Sans réapprovisionnement urgent en intrants de base et sans rétablissement de la gratuité maternelle, nous assisterons à une hécatombe.”
Cette négligence illustre un problème systémique dans l’est de la RDC. Alors que les bailleurs internationaux allouent des millions pour l’aide humanitaire, des centres comme celui de Kainama tombent dans l’oubli. Combien de décès évitables faudra-t-il déplorer avant une mobilisation ? La solution passe par une coordination renforcée entre Kinshasa, les agences onusiennes et les ONG locales pour restaurer d’urgence la chaîne d’approvisionnement en médicaments.
En attendant, chaque jour sans intervention aggrave cette urgence humanitaire Ituri voisine. Les spécialistes sanitaires recommandent trois actions immédiates : réactiver la gratuité des soins prénatals, débloquer des stocks d’urgence via le Programme National de Santé, et organiser des cliniques mobiles pour les zones isolées. Car comme le rappelle Mumbere, “Dans cette région oubliée, notre centre n’est pas un luxe : c’est la seule barrière entre la vie et la mort.”
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net