« Ma maison a été engloutie en dix minutes. Les eaux ont emporté mes deux enfants devant mes yeux », sanglote Joséphine, survivante du quartier Binza-Pigeon. Comme des milliers de Kinois, elle a tout perdu dans la nuit apocalyptique de vendredi à samedi, où des pluies diluviennes ont transformé les rues de la capitale en torrents meurtriers. Le bilan officiel fait froid dans le dos : au moins 29 vies fauchées par cette catastrophe naturelle à Kinshasa.
Le gouverneur Daniel Bumba, visiblement sous le choc, a annoncé la prise en charge des sinistrés par l’État. « Nous déployons des équipes d’urgence sur les artères critiques comme l’avenue Okito ou l’avenue du Tourisme », a-t-il déclaré, alors qu’un pont s’est effondré sur l’avenue Victoire. Mais comment protéger les habitants des zones à risque quand la nature défie toutes les prévisions ?
En ce mois de juin, censé marquer le cœur de la saison sèche, Kinshasa a subi un déluge de 90 millimètres – du jamais vu même en pleine saison des pluies. L’explication vient de la METTELSAT : un phénomène rare de « saison sèche femelle » perturbe le climat. « Des vents du golfe de Guinée neutralisent l’anticyclone de Sainte-Hélène », explique Augustin Tagisabo, chef météo. Une anomalie qui transforme le ciel en piège mortel.
À Matete et Limete, des familles ont dormi sur leurs toits. Près du rond-point Kintambo Magasin, la rivière Lukunga a brutalement débordé, envahissant les concessions. « On nous avait prévenus du retard de la saison sèche, mais personne n’imaginait ce carnage », murmure un habitant de la zone inondée, les pieds dans la boue. Ce drame rappelle cruellement les inondations d’avril dernier qui avaient fait une centaine de morts.
Derrière ces bilans macabres se cache une question brûlante : Kinshasa est-elle condamnée à revivre ces scènes de désolation chaque année ? Les travaux de réhabilitation en cours semblent dérisoires face à l’ampleur des dégâts. La saison sèche femelle, phénomène exceptionnel, pourrait-elle devenir la norme sous l’effet du dérèglement climatique ?
Alors que les autorités appellent à la solidarité, les Kinois regardent le ciel avec angoisse. D’autres pluies diluviennes sont attendues. Dans cette mégapole vulnérable, où le béton a remplacé les zones d’absorption naturelles, chaque goutte qui tombe devient une menace. La catastrophe de cette nuit sonne comme un avertissement : l’urbanisation sauvage et l’impuissance face aux caprices du climat font de Kinshasa une bombe à retardement environnementale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd