La suspension temporaire des services de maternité gratuite à l’hôpital Monkole de Kinshasa jette une lumière crue sur les défis de la Couverture Santé Universelle (CSU) en République Démocratique du Congo. Cet établissement, pilier du programme, a annoncé l’arrêt de ses prestations néonatales conventionnées, pointant du doigt le non-paiement des sommes dues par le Fonds de Solidarité de Santé depuis octobre 2024. Imaginez-vous, futurs parents, confrontés soudainement à des frais imprévus alors que le gouvernement promettait une prise en charge intégrale. Comment en est-on arrivé là ?
Le directeur général de Monkole évoque dans un communiqué des “arriérés de paiement” compromettant la continuité des soins. Pourtant, le ministre de la Santé Publique, Samuel Roger Kamba, apporte une contre-expertise chiffrée lors de la 12e conférence des gouverneurs à Kolwezi. “Monkole a reçu 156.000 USD sur cinq mois”, affirme-t-il, soit près de 31.000 USD mensuels – un montant qu’il juge significatif parmi les 330 structures partenaires à Kinshasa. Le ministre attribue les retards partiels aux “contraintes de trésorerie liées à la guerre d’agression rwandaise”, obligeant le ministère des Finances à réévaluer ses priorités.
Cette divergence témoigne-t-elle d’une crise plus profonde ? Loin de remettre en cause le principe même de la maternité gratuite, pilier de la CSU, le gouvernement souligne son bilan impressionnant : 2 millions d’accouchements pris en charge en 15 mois, dont 50.000 nouveau-nés en néonatalogie. “Avons-nous le choix d’abandonner ces mères ?” interroge rhétoriquement le ministre, martelant l’irréversibilité du programme lancé par le Président de la République. Pour éviter de futures tensions, des mécanismes de financement alternatifs sont déployés : une cotisation de 2% à charge des employeurs et 0,5% pour les travailleurs, visant à réduire la dépendance au trésor public et à l’aide internationale.
Rappelons que la gratuité maternelle, opérationnelle dans 14 provinces sur 26 grâce au soutien de la Banque Mondiale, représente la première marche vers une protection sanitaire universelle. La situation à Monkole Kinshasa agit comme un électrocardiogramme révélant les arythmies du système : si des fonds ont bel et bien été transférés selon le ministre, leur insuffisance ou leur irrégularité paralyse des services vitaux. Comme un médicament essentiel en rupture de stock, la suspension des services expose brutalement les familles à un choix déchirant : renoncer aux soins ou s’endetter.
Le Fonds Solidarité Santé se trouve désormais sous surveillance accrue. Le ministre promet un “apurement des arriérés” et vante la traçabilité bancaire des versements – gage de transparence. Cette crise ponctuelle soulève une question fondamentale : comment garantir la pérennité d’un système qui a prouvé son impact social ? L’instauration des cotisations équitables pourrait être l’antiviral contre les défaillances de financement. Pour les Congolaises, l’enjeu dépasse le cas Monkole : il s’agit de préserver une révolution sanitaire qui a déjà changé 2 millions de destins.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd