L’odeur de la terre mouillée accueille Jean-François Mombia Atuku à Lokutu, sept ans après son dernier combat judiciaire contre PHC-Feronia. « En 2018, c’était la guerre ouverte : des champs brûlés, des paysans jetés en prison pour avoir osé cultiver leur propre lopin », se remémore le militant, dont la mission d’évaluation dans la Tshopo d’avril 2025 dessine un paysage transformé. Sous la gestion de Kuramo Capital, les Plantations et Huileries du Congo (PHC) ont opéré une mue spectaculaire dans leurs relations avec les 150 000 ménages riverains.
Les témoignages recueillis par le Réseau d’Information et d’Appui aux ONG nationales (RIAO-RDC) brossent un contraste saisissant avec la période Feronia. « Avant, les milices de la société nous traquaient comme du gibier si on vendait nos régimes de palme ailleurs », confie Mukalengi, agriculteur à Boteka. Aujourd’hui, des contrats formalisent la livraison des noix de palme par 800 planteurs locaux, tissant une interdépendance économique inédite. La disparition des arrestations arbitraires et des cas de torture marque une rupture tangible dans les relations communautés PHC.
Derrière cette détente sociale, un investissement massif dans le développement local : l’hôpital PHC-Lokumete ressemble désormais à un établissement urbain avec ses blocs opératoires rénovés. Trois écoles neuves accueillent les enfants sous des toits de tôle ondulée, tandis que quinze forages ont fait reculer la corvée d’eau insalubre. « Quand ma fille est née sans complications à l’hôpital PHC, j’ai compris que quelque chose avait changé », souffle Kahambu, mère de quatre enfants. Ces réalisations concrètes expliquent pourquoi les communautés riveraines plaident désormais pour le maintien de l’entreprise.
Mais cette paix peut-elle durer sans résoudre la question foncière ? Le bornage des terres, pierre angulaire de l’accord de décembre 2024, traîne dangereusement. « Sans délimitation claire, la moindre étincelle peut rallumer le conflit », alerte Mombia, dont le rapport exige la création urgente d’un comité multipartite incluant chefs traditionnels et autorités provinciales. La mémoire des 11 000 hectares accaparés dans la Tshopo reste vive, et l’ombre des conflits fonciers passés plane sur les plantations huileries Congo.
Le paradoxe PHC Feronia RDC réside dans cette dualité : premier producteur d’huile de palme du pays, l’entreprise affiche désormais une politique sociale ambitieuse tout en peinant à tourner la page des contentieux territoriaux. « Le développement d’écoles ne compensera jamais l’absence de titres fonciers pour nos ancêtres », rappelle sévèrement le chef coutumier Mbonga. Alors que PHC vend désormais 100% de sa production localement, incarnant une souveraineté alimentaire chère aux Congolais, sa légitimité repose sur un équilibre fragile.
La vigilance du RIAO-RDC, maillage essentiel de 256 ONG et 333 associations paysannes, reste donc cruciale. « Notre combat n’est pas contre PHC, mais pour la sécurisation des droits », précise Mombia. Dans les villages de la Tshopo, on guette les topographes promis. Car sous les régimes de palme qui garnissent désormais les camions de l’entreprise, la terre, elle, attend toujours sa juste démarcation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd