Entre les murs vibrants du Tarmac des Auteurs, espace culturel emblématique de Kinshasa, un souffle juvénile a balayé la scène lors de la quatrième édition des Rencontres Dramaturgiques de Kinshasa. Du 9 au 11 juin, cette pépinière artistique s’est transformée en laboratoire vivant où s’expérimente l’avenir de l’art dramatique congolais. Une dizaine de comédiens, pour beaucoup étudiants à l’Institut National des Arts ou néophytes de la scène, ont osé défier les planches sous le regard bienveillant du public kinois.
Quelle alchimie opère lorsque la passion brute rencontre l’exigence professionnelle ? La réponse s’est incarnée dans les corps et les voix de ces interprètes, guidés par la metteure en scène marocaine Sanae Assif, spécialement invitée pour l’occasion. En dix jours seulement, un marathon créatif a donné naissance à deux représentations époustouflantes : une réinterprétation vibrante de Roméo et Juliette et une plongée audacieuse dans La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat. « C’est toujours une satisfaction de faire aboutir son travail d’aussi belle façon avec une belle équipe », confie Sanae Assif, soulignant la rigueur déployée contre le temps imparti.
La magie de ce festival culturel à Kinshasa réside dans cette dialectique entre fraîcheur et expérience. Sephora Nsenga, étudiante en deuxième année d’interprétation dramatique, vit là sa première grande représentation hors des murs de l’INA : « J’ai découvert que l’interprétation dramatique, c’est quelque chose que j’aime sans le savoir ». À ses côtés, Angel Anzabi, novice absolue, ressent déjà l’appel irrésistible des planches : « Je sens que je peux faire de grandes choses ». Cette énergie juvénile, Sanae Assif la décrypte avec lucidité : « Leur regard questionne encore, ils sont dans la découverte pure ».
Mais comment définir cette alchimie propre au jeune théâtre congolais ? Melissa Lupola, comédienne aguerrie malgré ses trois ans seulement de scène, perçoit dans cette émulation collective un ferment essentiel : « Voir travailler ceux qui débutent m’a redonné motivation ». Landry Losanganya, licencié en art dramatique, y voit quant à lui une nécessaire humilité : « Dans chaque projet, on se remet à zéro comme des apprentis ». Cette génération émergente, fascinée par le théâtre comme espace de dialogue direct entre l’artiste et le public, porte en elle une vision : faire du plateau un miroir sans fard des passions humaines.
Les Rencontres Dramaturgiques de Kinshasa, biennale organisée par le Tarmac des Auteurs, affirment plus que jamais leur mission : être un laboratoire de la parole libre où s’expérimentent les écritures contemporaines. Entre classiques shakespeariens et textes percutants de Sinzo Aanza ou Bernard-Marie Koltès, cette édition a sondé les abysses des émotions humaines. La jeunesse congolaise, par sa présence massive tant sur scène que dans le public, y a trouvé son territoire d’expression. Landry Losanganya prophétise : « Ceux qui ont commencé avant nous prennent peu à peu leur retraite. Si nous restons, nous brillerons ». Le décollage est réussi. L’atterrissage dans l’avenir de l’art dramatique en RDC s’annonce, quant à lui, plein de promesses.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
