La tragédie du lac Tumba, survenue mercredi à Bikoro, vient de trouver un écho retentissant au parlement congolais. Le député national Christophe Boulu Bobutu a interpellé l’Assemblée nationale par une motion d’urgence, dénonçant un drame qui dépasse la simple fatalité. Ce naufrage, survenu à 128 km de Mbandaka, ne serait-il pas le symptôme d’un laxisme chronique dans la sécurité maritime intérieure ?
Dans un plaidoyer vibrant jeudi en plénière, l’élu de Bikoro a exigé la création d’une commission d’enquête parlementaire, déclarant : “Ce drame soulève de graves préoccupations quant à la sécurité de la navigation intérieure et l’efficacité des secours. Je sollicite la mise en place d’une commission pour déterminer les causes précises, établir des responsabilités publiques et privées, et recommander des mesures urgentes”. Une requête qui met en lumière l’urgence de réformer un secteur où les accidents mortels se succèdent.
Les chiffres avancés par Boulu Bobutu glacent le sang : au moins 30 corps déjà repêchés, une dizaine de rescapés, et un nombre indéterminé de disparus parmi les 250 passagers supposés. L’embarcation, surchargée de marchandises et d’êtres humains, illustre les pratiques risquées qui persistent malgré les alertes répétées. “À ce stade, on déplore 32 morts déjà à Bikoro, et d’autres corps arrivent encore”, a précisé le parlementaire, soulignant l’ampleur d’une catastrophe que les autorités locales peinent à contenir.
La réaction du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a été immédiate et favorable. Cette promptitude institutionnelle cache-t-elle pour autant une volonté réelle de changement ? L’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire en RDC constitue certes un premier pas, mais l’histoire récente montre que ces démarches se perdent souvent dans les sables mouvants de la bureaucratie. Les questions soulevées touchent pourtant à l’essentiel : contrôle technique des embarcations, formation des capitaines, et dispositifs de sauvetage dans une province où le lac Tumba reste une artère vitale.
Derrière les déclarations de principe se profile un enjeu politique crucial. Boulu Bobutu, en brandissant l’étendard de la sécurité navigation dans l’Équateur, place ses pairs devant leurs responsabilités. La crédibilité du parlement se jouera dans sa capacité à identifier concrètement les défaillances – qu’elles soient liées aux opérateurs privés avides de profit ou aux services publics défaillants. Les familles des victimes attendent plus que des condoléances : une réforme en profondeur qui évitera que ce scénario ne se répète demain sur le Congo ou le Kasaï.
L’accident bateau de Bikoro révèle ainsi une vérité crue : la navigation intérieure congolaise navigue en eaux troubles, entre réglementations inappliquées et contrôles fantomatiques. Alors que la commission s’apprête à être constituée, la pression monte pour que ses travaux débouchent sur des sanctions exemplaires et un plan d’action contraignant. Le gouvernement pourra-t-il continuer à regarder ailleurs tandis que les fleuves et lacs se transforment en cimetières liquides ? La réponse parlementaire à cette interrogation déterminera la valeur réelle accordée aux vies congolaises.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd