L’Assemblée nationale congolaise vient de franchir un pas décisif dans l’examen des pratiques financières opaques entourant la Régie des Voies Aériennes (RVA). Sur initiative du député Claude Misare Mugomberwa, une commission d’enquête parlementaire sera constituée pour faire la lumière sur la gestion controversée de la Redevance de Développement des Infrastructures Aéroportuaires (IDEF), communément appelée Go-Pass. Cette décision fait suite à une question orale jugée « insuffisante » adressée au directeur général Ngoma Mbaki, dont les explications n’ont pas convaincu la représentation nationale.
« Je n’étais pas satisfait des réponses fournies par le DG de la RVA », a martelé l’élu d’Uvira, dénonçant une gestion pour le moins énigmatique. « Depuis 2009, plus de quinze ans après, aucun aéroport construit, aucun aéroport sérieusement réhabilité ». Le parlementaire souligne avec une ironie mordante que cette redevance, initialement conçue pour moderniser les infrastructures aéroportuaires, n’a visiblement servi qu’à alimenter un système opaque. Où sont donc passés les 362 millions USD générés par cette taxe, selon les propres chiffres avancés par la RVA ?
La genèse du Go-Pass remonte à une période sombre de l’aviation congolaise, lorsque le ciel national était qualifié de « cimetière à ciel ouvert » après une série de crashs aériens. Créée en 2009 sous l’administration Kabila, cette taxe devait financer la réhabilitation d’aéroports vétustes comme N’djili (1955) ou Loano (1952). Pourtant, force est de constater que les terminaux actuels offrent toujours le même visage décati, interrogeant sur l’efficacité réelle de cette manne financière.
Claude Misare, qui présidera probablement la commission d’enquête selon les us parlementaires, a déjà déposé sa proposition de résolution. « Même pendant les vacances parlementaires, la commission aura minimum 30 jours pour faire le travail », précise-t-il, annonçant des vérifications terrain à Lubumbashi et dans trois autres aéroports. Une démarche qui s’apparente à une course contre la montre avant la clôture de la session ordinaire.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte plus large de défiance envers la gestion des entreprises publiques. Le député n’hésite pas à parler d’« escroquerie » envers le peuple congolais, une accusation lourde qui place la RVA sous un feu croisé d’interrogations. Les zones d’ombre concernent tant la destination réelle des fonds que les mécanismes de contrôle ayant permis cette situation. La commission devra notamment déterminer pourquoi les audits successifs n’ont pas détecté ces dysfonctionnements.
L’enjeu dépasse le simple scandale financier : c’est la crédibilité même de la gouvernance des infrastructures stratégiques qui se joue. Si l’enquête confirme les manquements, ne devrait-on pas repenser fondamentalement le modèle de gestion des aéroports congolais ? Le dossier du Go-Pass pourrait bien devenir le symbole des réformes nécessaires dans la gestion des fonds publics. À l’heure où la RDC cherche à affirmer sa stature internationale, la modernisation de ses plateformes aériennes reste un impératif économique incontournable – un impératif visiblement sacrifié sur l’autel de pratiques douteuses.
Reste à savoir si cette commission parlementaire parviendra à briser les murs du silence entourant ce scandale financier persistant. L’opacité qui prévaut depuis quinze ans résistera-t-elle à l’obstination du député Misare ? La balle est désormais dans le camp du bureau de l’Assemblée nationale, dont la célérité à instituer cette enquête sera scrutée comme un test de sa volonté réformatrice.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd