Le long de l’avenue du Tourisme à Ngaliema, Ruth Mayu, 12 ans, brise des pierres sous un soleil de plomb plutôt que d’étudier. «Je suis en 6e primaire mais on nous demande 20 000 FC. Sans papa, aider maman est vital pour mes frères», confie-t-elle, les mains calleuses serrées autour d’un marteau. Ce témoignage glaçant illustre le paradoxe congolais : alors que la gratuité scolaire devait libérer les enfants, des milliers d’entre eux envahissent les rues de Kinshasa pour survivre.
À Kintambo Magasin, Chadrack Bemba, 13 ans, frotte des chaussures avec une brosse usée. Son rêve d’ingénieur s’est évaporé : «J’ai arrêté l’école en 6e primaire. Mes parents n’avaient plus de moyens». Ces voix enfantines racontent l’échec cuisant d’une politique promise comme révolutionnaire. Comment expliquer que malgré la prohibition légale du travail des mineurs et l’enseignement gratuit décrété en RDC, des gamins de douze ans portent seuls le poids de familles entières ?
La réalité est cruelle. Dans la commune de Ngaliema, Carine Mayu et ses sept enfants survivent dans une cabane de fortune grâce au commerce de cailloux ramassés dans le fleuve. À Kintambo, des cohortes d’écoliers fantômes errent entre les voitures comme Chadrack. Ces enfants travailleurs ne sont pas des exceptions statistiques mais les visages d’un effondrement systémique. Les frais scolaires illégaux persistent, transformant la gratuité en mirage pour les plus vulnérables.
La question brûle les lèvres : la RDC sacrifie-t-elle son avenir en tolérant ce fléau ? Chaque petit cireur de chaussures ou vendeur de pierres représente un potentiel anéanti. Quand des enfants de primaire renoncent à l’école pour nourrir leurs frères, c’est toute la chaîne de développement qui se brise. Les conséquences sont palpables : analphabétisation programmée, reproduction de la pauvreté, perte de talents essentiels pour reconstruire le pays.
Les mots clés du débat – gratuité scolaire RDC, abandon scolaire Kintambo – sonnent creux face aux sacs de cailloux que Ruth traîne avant l’aube. Derrière chaque «enfant travailleur Ngaliema» se cache un drame familial : pères absents, mères dépassées, fratries livrées à elles-mêmes. Ces mineurs travailleurs ne choisissent pas leur destin, ils le subissent dans l’indifférence générale. Leur calvaire quotidien interroge notre humanité collective : jusqu’à quand fermerons-nous les yeux sur ces petites mains qui portent le poids du Congo ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net