Dans un geste diplomatique lourd de significations, le Président Félix Tshisekedi a scellé ce mardi 10 juin 2025 le destin de deux émissaires clés pour la République Démocratique du Congo. La lecture des ordonnances présidentielles sur la RTNC ne fut pas une simple formalité administrative, mais bien l’ouverture d’un échiquier géopolitique où Kinshasa déploie ses pièces maîtresses. À Washington, Mme Yvette Ngandu Kapinga, jusqu’alors Commissaire chargée du genre à la CEEAC, hérite d’une mission délicate : incarner les intérêts congolais dans l’antre de l’hyperpuissance américaine. Son parcours académique, couronné par une maîtrise en administration publique décrochée aux États-Unis mêmes, semble taillé sur mesure pour ce poste stratégique. Mais suffira-t-il d’un diplôme américain pour naviguer les eaux troubles des relations avec le pays de l’Oncle Sam ?
La nomination de Jean Diur Muland comme ambassadeur au Bénin, bien que moins médiatisée, n’en révèle pas moins une logique d’ensemble. En remplaçant après des années le chargé d’affaires Msakala-Suka Mavambu, Muland devient le premier représentant plénipotentiaire à Cotonou depuis longtemps. Ce choix pourrait-il signaler un regain d’intérêt pour les partenariats ouest-africains, dans un contexte où la RDC cherche à diversifier ses alliances ? L’ordonnance présidentielle RDC confère aux deux diplomates les pleins pouvoirs et avantages afférents à leur rang, mais le véritable privilège résidera dans leur capacité à transformer le mandat théorique en influence tangible.
Le calendrier de ces nominations ambassadeurs RDC interroge. Yvette Ngandu Kapinga quitte la CEEAC alors que s’annonce un renouvellement des instances de cette organisation sous-régionale cruciale. Faut-il y voir un désengagement de Kinshasa ou, au contraire, une manœuvre pour repositionner une fidèle sur un théâtre plus global ? Son expérience comme coordinatrice du projet ONU-UA-CER en médiation suggère une spécialisation dans la résolution des conflits – compétence précieuse face aux défis sécuritaires persistants en RDC. Quant à l’ambassade RDC États-Unis, elle hérite d’une diplomate rompue aux arcanes africains, mais devra-t-elle composer avec l’héritage diplomatique en demi-teinte entre les deux nations ?
Ces mouvements, s’ils consacrent des parcours individuels, dessinent surtout la géométrie variable de la politique étrangère tshisekedienne. En plaçant Ngandu Kapinga à Washington et Muland à Cotonou, le pouvoir congolais joue simultanément l’atlantisme et le régionalisme. Reste à savoir si cette ambassadeur Jean Diur Muland parviendra à redynamiser des relations bilatérales souvent reléguées au second plan, tandis que l’ambassade RDC États-Unis devient le poste d’observation privilégié des tensions minéralières et sécuritaires. La réussite de ces missions dépendra moins des indemnités prévues par le règlement des diplomates que de leur habileté à transformer les ordonnances en résultats concrets. À l’heure où l’Afrique centrale s’interroge sur son avenir, la RDC a choisi ses porte-voix. Leur écho se mesurera à l’aune des prochains sommets internationaux où se jouera, en partie, le crédit diplomatique congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
