Le crissement des machettes a remplacé le crépitement des armes à Nyagabo. Sur ces terres fertiles de l’Ituri, une révolution silencieuse prend racine : d’anciens miliciens du Front patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC) labourent désormais la paix. Réinsertion ex-combattants RDC prend ici tout son sens alors qu’ils défrichent plus de 5 hectares pour y cultiver maïs, haricots et autres denrées vitales. « Barricader des routes, organiser des pillages… cela ne nous aidera pas », confie l’un de ces jeunes transformés, le regard rivé sur les sillons qu’il trace. Sa main, jadis habituée à presser une gâchette, serre aujourd’hui fermement le manche de sa houe.
Quelle force peut donc pousser des hommes habitués à semer la terreur à devenir semeurs de vie ? La réponse se niche dans cette parcelle collective où s’active une vingtaine d’anciens combattants. Encadrés par des pairs déjà réinsérés, ils expérimentent une transition concrète vers la vie civile. Le colonel Siro Simba, administrateur du territoire d’Irumu, a fait le déplacement pour évaluer cette agriculture Ituri naissante. « Là où règnent la paix et la sécurité, le développement s’invite naturellement », a-t-il déclaré devant ces champs prometteurs situés à 45 km de Bunia.
Ce projet phare s’inscrit dans le cadre du projet MONUSCO DDR, via des initiatives à haute intensité de main-d’œuvre. La section Désarmement, démobilisation et réinsertion de la mission onusienne fournit un cadre sécurisé pour cette métamorphose. « Nous ne voulons plus de la guerre », martèle un autre ex-combattant, la sueur perlant sur son front. Cette reconversion de la FPIC milice en force agricole symbolise un tournant : chaque sillon creusé efface un peu plus les stigmates des conflits passés.
Mais cette transition fragile repose sur un pari audacieux : peut-on vraiment transformer des instruments de mort en outils de vie ? Les autorités locales y croient fermement. Le colonel Simba encourage d’autres groupes armés à emboîter le pas, surtout dans l’attente du programme national de Désarmement (P-DDRCS). « Continuons sur cette lancée pour pérenniser l’accalmie. Un avenir meilleur nous attend », lance-t-il, scrutant l’horizon où des épis de maïs ondulent sous le vent. Ce laboratoire agricole devient ainsi une vitrine pour la paix développement Congo, démontrant que les semences de la réconciliation germent mieux dans un sol pacifié.
Pourtant, des défis persistent. Comment assurer la durabilité de ces cultures sans appui technique continu ? La question plane alors que ces nouveaux agriculteurs réapprennent les rythmes de la terre après avoir connu ceux de la guerre. Leur parcours rappelle une évidence trop souvent oubliée : le développement ne fleurit jamais sur un champ de bataille. À Nyagabo, chaque plant de haricot témoigne qu’une alternative existe aux cycles de violence. Et si l’avenir de l’Ituri se jouait désormais au rythme des saisons agricoles plutôt qu’à celui des offensives militaires ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net