La mission d’itinérance présidentielle de Félix Tshisekedi s’ouvre sur un geste fort à Kolwezi, épicentre minier du Lualaba. Trois ouvrages structurants – le nouveau gouvernorat, une salle polyvalente et le village du Congrès – ont été inaugurés lundi sous le regard de la gouverneure Fifi Masuka. Ces réalisations, présentées comme incarnant le 6e axe prioritaire du mandat présidentiel, soulèvent une question fondamentale : le pouvoir central peut-il simultanément piloter le développement national et satisfaire les revendications provinciales ?
Dans ce carrefour cuprifère où grondent les tensions sur la décentralisation des richesses minières, chaque pierre posée prend une dimension politique. Le complexe gouvernemental, s’étalant sur 4 827 m² avec ses 61 locaux administratifs, n’est pas qu’un bâtiment. Il matérialise la présence de l’État dans une région cruciale pour l’économie nationale. Quant à la salle polyvalente de 2 896 m², capable d’accueillir 1 500 personnes, elle met fin selon les autorités au « recours coûteux au privé » pour les événements officiels. Symbolique économique ou affirmation de souveraineté ?
Cette séquence kolwezienne dépasse la simple inauguration d’infrastructures. En programmant la 47e réunion du Conseil des ministres dans la province, puis la 12e Conférence des Gouverneurs du 10 au 13 juin, Tshisekedi place le Lualaba au cœur du dispositif étatique. Ce double événement, rassemblant l’ensemble des chefs d’exécutifs provinciaux, transforme Kolwezi en laboratoire de la gouvernance décentralisée. Les thématiques annoncées – gestion des ressources naturelles, sécurité et efficacité administrative – touchent directement aux nerfs de la crise de confiance entre Kinshasa et les territoires miniers.
L’accueil populaire réservé au président, accompagné de la première dame Denise Nyakeru, ne doit pas occulter les défis sous-jacents. En choisissant d’inaugurer ces infrastructures avant la conférence des gouverneurs, le pouvoir central envoie un message subtil : il reste l’architecte incontournable du développement provincial. Mais cette démonstration de force institutionnelle suffira-t-elle à apaiser les revendications locales sur la redistribution des revenus miniers ?
La gouverneure Masuka l’a affirmé sans détour : ces réalisations s’inscrivent dans le plan provincial 2024-2028. Pourtant, leur financement et supervision par l’État central interrogent sur l’autonomie réelle des provinces. Le président joue ici une partition délicate : affirmer la prééminence de Kinshasa tout en se présentant comme facilitateur de l’émergence provinciale. Un équilibre précaire alors que s’ouvrent des discussions cruciales sur le partage des compétences et des ressources.
Cette mission itinérance présidentielle dans le Lualaba cristallise ainsi les contradictions de la décentralisation congolaise. Les prochains jours, ponctués par les travaux de la conférence des gouverneurs, révéleront si cette démonstration de force soft power aboutira à des compromis tangibles ou accentuera les attentes déçues des régions minières. L’enjeu dépasse Kolwezi : c’est la crédibilité du modèle de gouvernance territoriale qui se joue dans le cuivre et le béton.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
