L’économie congolaise, telle un navire forcé de naviguer en eaux troubles, ajuste sa trajectoire budgétaire face aux vents contraires sécuritaires. Le projet de loi finances rectificative Congo pour 2025, chiffré à 50 691,8 milliards de francs congolais (17,2 milliards USD), marque une contraction de 1,7% par rapport au budget initial. Cette révision, adoptée par l’Assemblée nationale le 6 juin, cristallise le coût exorbitant de la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda dans l’Est du pays.
Selon le ministre d’État du Budget Aimé Boji, l’occupation des provinces du Nord et Sud-Kivu a déclenché une hémorragie financière aux conséquences systémiques. Les pertes de recettes s’élèvent à 926 milliards FC rien que dans ces régions, tandis que les dépenses sécuritaires dépassent désormais 2% du PIB national. Ce double effet ciseaux – recettes en baisse, dépenses en hausse – force le gouvernement à revoir sa copie budgétaire dans un contexte où l’agression rwandaise via l’AFC/M23 pèse comme une épée de Damoclès sur les finances publiques.
Comment absorber ce choc sans compromettre la stabilité macroéconomique ? Le gouvernement a opté pour un resserrement sans précédent du train de vie des institutions. Des mesures d’austérité totalisant 1 079 milliards FC ont été déployées : réduction de 30% des budgets de fonctionnement des cabinets ministériels (49 milliards FC) et institutionnels (357 milliards FC), coupes de 432 milliards FC dans les programmes socio-économiques hors secteurs prioritaires, et compression de 133 milliards FC sur les rémunérations des hauts responsables. Même les missions à l’étranger et l’acquisition de véhicules non essentiels sont suspendues, économisant 108 milliards FC supplémentaires.
L’impact économique rébellion Est RDC s’avère plus profond qu’anticipé. Au déficit initial de 926 milliards FC dans les Kivu s’ajoutent 2 210 milliards FC de baisses supplémentaires de recettes courantes, portant le manque à gagner total à 3 136 milliards FC. Malgré des compensations via les recettes fiscales (200 milliards FC) et non fiscales (548 milliards FC), le trou béant dans les caisses publiques atteint 2 317 milliards FC – soit 7,2% des prévisions initiales. La Commission Ecofin de l’Assemblée nationale souligne que cette érosion financière directe handicape la capacité de l’État à investir dans les secteurs productifs.
Ce budget rectificatif RDC 2025 illustre cruellement le paradoxe congolais : un sous-sol regorgeant de minerais stratégiques, mais un Trésor public saigné par l’insécurité. Les pertes recettes Nord-Kivu, épicentre du conflit, privent Kinshasa de ressources vitales pour le développement tandis que les dépenses sécuritaires M23 grèvent toujours plus l’enveloppe nationale. Le texte doit maintenant passer au crible du Sénat avant le 15 juin, date butoir de la session parlementaire.
À l’horizon se profile une question cruciale : ces mesures correctives suffiront-elles à endiguer la spirale dépensière si la rébellion perdure ? Avec des dépenses militaires absorbant une part croissante du PIB, l’équilibre budgétaire reste suspendu à une normalisation sécuritaire dans l’Est. Le gouvernement joue désormais contre la montre pour éviter que le budget rectificatif ne devienne le prélude à un ajustement structurel plus douloureux encore.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd